[CRITIQUE] : Nanny

Par Fuckcinephiles
Réalisatrice : Nikyatu Jusu
Avec : Anna Diop,Michelle Monaghan, Sinqua Walls,...
Distributeur : Amazon Prime Vidéo France
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h38min
Synopsis :
Aisha, une nounou sans papiers, s'occupe d'un enfant privilégié dans l'Upper East Side de New York. Alors qu'elle se prépare à l'arrivée du fils qu'elle a laissé derrière elle en Afrique de l'ouest, une présence surnaturelle envahit son quotidien, menaçant le rêve américain qu'elle a laborieusement construit.


Critique :

Arpentant la voie balisée du fantastique bâti sur la culpabilité et les traumatismes intimes, #Nanny se distingue à la fois par son imagerie folklorique et par sa manière de croquer le portrait d'une femme courage qui cherche continuellement à reprendre le contrôle de sa vie. pic.twitter.com/I9c4rp16SN

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) December 26, 2022

Pas une année ou presque ne se passe sans qu'un descendant direct et/où indirect du magnifique The Babadook de Jennifer Kent ne pointe le bout de sa pellicule, et le nouvel en date s'avère étonnamment plus distancé et étoffé que la moyenne, malgré l'étiquette Blumhouse collée sur le dos de sa pellicule.
Écrit et mis en scène par Nikyatu Jusu, Nanny - tout est dans le titre et la solide punchline de son affiche " Nous sommes hantés par ce que nous laissons derrière nous " -, utilise plus où moins consciemment les tropes de l'horreur moderne pour façonner une histoire qui ne se joue pas tant dans les sursauts et les frissons faciles que dans les contours prenants d'un douloureux et impactant drame humain.
On y scrute le portrait dense et captivant d'Aisha, une ancienne enseignante sénégalaise devenue une immigrée sans papiers qui se voit obligée de jouer les nounous sous la coupe rigide d'une riche famille blanche pour vivre, et dont les luttes internes envahissent lentement mais sûrement le quotidien.
Celle-ci a besoin d'argent pour faire venir son jeune fils, Lamine, du Sénégal, dont l'absence pèse lourdement et encore plus sur sa profession (dont les liens avec lui ne se résument qu'à des conversations téléphoniques brouillées où des enregistrements des moments qu'elle a manqués).

Copyright Amazon Studios


Sa culpabilité d'avoir laissé son fils derrière elle se manifeste d'ailleurs dans d'étranges visions dont elle peine à capter les significations, elles qui seraient le fruit de l'esprit de l'eau ressemblant à une sirène, Mami Wata...
Arpentant la voie gentiment balisée du fantastique bâti sur la culpabilité et les traumatismes intimes, Nanny se distingue pourtant à la fois par son imagerie (folklorique, rendant les visions/hallucinations de son héroïne pas tant perturbantes que joliment sobres et captivantes) mais aussi par sa manière de croquer le portrait d'une femme courage qui cherche continuellement à reprendre le contrôle de sa vie (une nouvelle relation amoureuse, un vrai rapport de force avec ses employeurs,...).
Tellement que le film, expurgé de tous ses oripeaux fantastiques presque prétextes à attirer le spectateur dans sa toile, fonctionnerait pleinement s'il ne faisait que jouer la carte du drame pur et dur, Jusu excelle joliment à mettre en évidence la dynamique de pouvoir inconfortable dans le milieu du travail (et encore plus avec la condition précaire des sans papiers) d'une manière plus complexe et tendue que sournoisement sinistre (il n'y a pas vraiment de méchanceté dans la façon dont les parents de la jeune Rose traitent Aisha, mais son inconfort face aux libertés qu'ils prennent et aux limites qu'ils franchissent est toujours palpable).
À tel point que l'on se demande même parfois si sa vision douloureusement réaliste et pessimiste ne gâche pas un brin ses idées sous les distractions superflus du genre...
Jonathan Chevrier