[CRITIQUE] : Les années Super 8

Par Fuckcinephiles
Réalisatrice/Réalisateur : Annie Ernaux et David Ernaux-Briot
Acteurs : Annie Ernaux.
Distributeur : New Story
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français.
Durée : 1h01min
Synopsis :
"En revoyant nos films super huit pris entre 1972 et 1981, il m’est apparu que ceux-ci constituaient non seulement une archive familiale mais aussi un témoignage sur les goûts, les loisirs, le style de vie et les aspirations d’une classe sociale, au cours de la décennie qui suit 1968. Ces images muettes, j’ai eu envie de les intégrer dans un récit au croisement de l’histoire, du social et aussi de l’intime, en utilisant mon journal personnel de ces années-là."- Annie Ernaux


Critique :

Relatant dix ans de vie de l'écrivaine Annie Ernaux et des siens, #LesAnnéesSuper8 capture la vérité d'une réalité bien précise, ne cachant ni la douleur ni l'anxiété derrière des images habituelles de bonheur qui peuvent être finalement mal - où trop légèrement - interprétées. pic.twitter.com/YWpYUlzRQE

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) December 13, 2022

Si l'écrivaine Annie Ernaux avait déjà sensiblement marqué de son empreinte le septième art de part les adaptations de ses oeuvres, encore tout récemment d'ailleurs (L'Autre de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic en 2008, Passion simple de Danielle Arbid en 2020 mais surtout L'Événement d'Audrey Diwan, l'an dernier), elle n'avait pourtant encore jamais sauté le pas par elle-même et si tenté puisse être qu'elle le fasse, il était évident que cela serait un projet qui serait marqué par le sceau de sa propre expérience, comme le furent ses écrits.
Reste que rien ne laissait présager qu'elle fasse ses débuts, avec huit décennies au compteur et la présence de son fils à ses côtés, David Ernaux-Briot, avec un film documentaire justement articulé sur sa propre vie privée : Les années Super 8 comme si, inconsciemment, la boucle se bouclait par elle-même, avec un effort aussi intime que profondément stimulant.

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Véritable puzzle de séquences familiales filmées et assemblées de 1972 à 1981, démarrant par l'achat clé d'une caméra Super 8 et se clôturant sur un ultime voyage avant qu'elle ne divorce de son époux, Philippe, Ernaux partage avec modestie des souvenirs et des sentiments personnels tout en commentant l'importance de ces expériences dans une France au lendemain de mai 68 jusqu'à l'arrivée en pointillés des années 80.
Relatant la trajectoire de l'écrivaine et des siens à travers le prisme des changements politiques et sociaux aussi bien en France qu'à travers le globe, le film se fait une exploration intime, une capsule temporelle qui capture la vérité d'une réalité bien précise dont la voix-off - Ernaux elle-même - ne cache ni la douleur ni l'anxiété (voire le mensonge de façade) qui se cachent derrière des images habituelles de bonheur qui peuvent être finalement mal - où trop légèrement - interprétées.
Entre réflexions poétiques et tentatives de raconter la place de sa propre famille dans les plus grandes fluctuations du monde (un voyage dans le Chili pré-Pinochet, un séjour encore plus fascinant en Albanie où même un plus évocateur en Russie, où les liens familiaux semblent brisés), Les années Super 8 incarne une vraie expérience cathartique, un morceau de vie partagé à la fois totalement personnel et merveilleusement universel qui sonde les multiples facettes de ce que l'on appelle " filmer le bonheur familial ".
Jonathan Chevrier