Les Bonnes Étoiles (2022) de Hirokazu Kore-Eda

Par Seleniecinema @SelenieCinema

De retour après "La Vérité" (2019), le réalisateur japonais Hirokazu Kore-Eda revient avec un projet qu'il a en tête depuis près de cinq ans, à savoir qu'il avait bien l'intention de travailler avec trois stars coréennes qu'il avait rencontré sur divers festivals de films et avec qui le courant était particulièrement bien passé, deux acteurs parmi les plus connus du Pays du Matin Frais ("calme" étant trop souvent le terme mal traduit), puis une actrice que le cinéaste avait déjà fait tourné dans "Air Doll" (2009). Le film est bien reçu au dernier Festival de Cannes avec entre autre un Prix d'Interprétation masculine pour Song Kang-Ho... Par une nuit pluvieuse, une jeune femme abandonne son bébé dans la boîte à bébé de l'église. Aussitôt, deux hommes en profitent pour récupérer le bébé afin de le vendre au marché noir à un couple dans le besoin. Mais la mère revient opportunément et décide de partir avec eux pour trouver un couple idéal pour l'enfant, c'est le début d'un road trip singulier à travers le destin de ceux qui seront profondément changé en rencontrant le bébé... 

La jeune maman est interprétée par Lee Je-Eun, actrice peu connue hors de son pays mais surtout connue sous le pseudo IU (signifiant "I and You" qui veut dire que l'on peut s'unir par la musique) chanteuse star de K-Pop. Les deux hommes (et donc les deux acteurs avec lesquels Kore-Eda souhaitait travaillé) sont incarnés par Gang Dong-Won vu entre autre dans "Duelist" (2005) de Lee Myeong-Se, "Woochi, le Magicien des Temps Modernes" (2009) de Choi Dong-Hoon, "Illang : la Brigade des Joups" (2018) de Kim Jee-Woon ou "Peninsula" (2020) de Yeon Sang-Ho, puis la star Song Kang-Ho vu notamment dans "The Age of Shadows" (2016) de Kim Jee-Woon ou "The King's Letters" (2019) de Jo Cheol-Hyeon, et retrouve après "Sympathy for Mr. Vengeance" (2002) de Park Chan-Wook et "The Host" (2006) de Bong Joon-Ho sa partenaire Bae Doona vue dans "Cloud Atlas" (2012) et "Jupiter : le Destin de l'Univers" (2015) tous deux des Wachowski, "A Girl at my Door" (2014) de July Jung ou encore "Tunnel" (2016) de Kim Seong-Hoon. N'oublions pas Lee Joo-Young vue dans "Jane" (2016) de Cho Hyun-Hoon, "Believer" (2018) de Lee Hae-Yeong ou "Baseball Girl" (2019) de Choi Yun-Tae... Notons que le Directeur Photo n'est autre que Hong Kyung-Pyo, un des meilleurs coréens dans le domaine ayant notamment travaillé pour le réalisateur Bong Joon-Ho notamment sur "Snowpiercer" (2013) et "Parasite" (2019) retrouvant ainsi l'acteur Song Kang-Ho... Comme souvent chez Kore-Eda, la famille est au dentre du récit, la famille dans le sens le plus large possible et pose ainsi des questions aussi universelles que complexes comme qu'est-ce qu'une famille aujourd'hui ?! Qu'est-ce qu'être un père ou une mère ?! Les liens du sang, les procédures compliquées de l'adoption, la filiation... etc... Le film reprend en fait les sujets déjà vu comme par exemple il y a un siècle dans "The Kid" (1921) de Charles Chaplin, mais le duplique via un panel d'individus et de personnalités contemporains et correspondants à nos sociétés du 21ème siècle.

Une jeune femme au passé et au passif qu'on devine difficile abandonne un bébé auprès d'un "Baby Box", deux hommes le kidnappent parce qu'il pense qu'il vaut mieux faciliter une adoption plutôt que de connaître le système des orphelinats, deux fliquettes aux opinions différentes luttent contre ce marché noir et cette traite humaine, et des couples très différents à la recherche d'un bébé pour des raisons tout aussi différentes, un ensemble des gens qui forment un miroir de notre société et qui posent des tonnes de questions sans pour autant apporter de réponses faciles. Le réalisateur apporte toute sa finesse, sa tendresse, sa subtilité à cette histoire touchante mais qui pêche un peu par un scénario peu plausible et une émotion pas toujours palpable. D'abord on ne comprend pas pourquoi la police n'interpelle pas les deux kidnappeurs, le flagrant délit est d'emblée effective puisque le bébé ne leur appartient pas (?!), sans compter le petit qui les accompagne, pire pourquoi attendre pour la maman ?! Invraisemblable. Ensuite, le film reste touchant par le lien qui se crée autour du bébé mais sinon il manque trop d'interaction entre les membres du petit groupe avec peu de jeu de regards, peu de gestes  juste logiques au fil du temps, jusqu'à cette ellipse finale un peu facile surtout en ce qui concerne la fliquette. Pourtant, il était peut-être question d'être moins léger, en effet si le titre en V.F. sonne comme un espoir, le titre en V.O. "Broker" est moins heureux et sonne plus pragmatique signifiant "Courtier". En résumé un road movie auquel il manque la folie d'un "Little Miss Sunshine" (2006) de Jonathan Dayton et Valerie Faris, la dimension socialo-gag d'un Chaplin, mais le cinéaste japonais construit un récit dense et pertinent qui ne peut que faire écho à tous, avec une mise en scène élégante qui permet de passer un bon moment et une pincée d'optimisme qui est toujours bon à prendre. 

Note :                 

14/20