[CRITIQUE] : Days

Par Fuckcinephiles


Réalisateur : Tsai Ming-Liang
Avec : Lee Kang-Sheng, Anong Houngheuangsy,…
Distributeur : Capricci Films
Budget : -
Genre : Drame, Romance
Nationalité : Taïwanais
Durée : 2h06min
Synopsis :
Accablé par la maladie et les traitements, Kang erre dans les rues de Bangkok pour conjurer sa solitude. Il rencontre Non qui, contre de l’argent, lui prodigue massages et réconfort. Le dernier chef d’œuvre de Tsai Ming-liang laisse patiemment s’insinuer tout ce que l’on nomme amour pour faire sourdre une émotion d’une imprévisible intensité.


Critique :

#Days nous berce lentement, alternant des plans méditatifs et des séquences émouvantes où la solitude comblée est récompensée par une boîte à musique dont le son répétitif remplace la litanie du silence. Le film apaise les corps douloureux et les cœurs solitaires (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/jzF0sbuw1m

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) November 26, 2022


Le film ne comporte aucun sous-titre” nous apprend un carton au tout début de Days, le nouveau long métrage de Tsai Ming-Liang. Pas de panique si vous ne parlez pas le taïwanais cependant. Les dialogues, ce sont les images. Les enjeux, les actions des acteurs. Pendant deux heures, le cinéaste nous propose de se laisser porter et d’ouvrir nos sens.
Devenu de plus en plus radical à mesure de ses réalisations, Tsai Ming-Liang semble avoir trouvé son point d’orgue avec Days. Le silence est maître et les images sont épurées de toute fiction. Chaque geste comporte alors une signification que le public comprendra à sa manière. Days se fait sensoriel : le bruit de l’eau, des mains sur un corps, l’odeur d’un plat, le film ne se contente pas de montrer, il nous invite à l’intérieur du cadre.

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Les plans s’étirent et s’enchaînent, tels des tableaux juxtaposés l’un à la suite de l’autre. Un cadre soigné, une maîtrise parfaite de l’image. La couleur bleue, qui habite les premières images du film, nous invite dans un monde isolé. Kang regarde la pluie tomber. Non s’affaire dans son habitation dépouillée. Mais quand les deux hommes se rejoignent, c’est un orange doux qui prend le pas dans le cadre, pour mieux accompagner leur sensualité. Dans une ville vivante (par le bruit assourdissant qu’elle dégage), les corps se déplacent dans un tracé solitaire. La magie opère dans cette chambre d’hôtel, où Non présente ses services à Kang. Pendant de longues minutes, que l’on dirait des heures, Non masse Kang, jusqu’à un point culminant de plaisir. L’orgasme n’est point le but cependant, les mains de Non cherchent à apaiser la douleur de Kang (il souffre d’une maladie étrange, qui affecte son cou et ses épaules) et peut-être à combler une vie esseulée. Par un étrange pouvoir de fascination, cette séquence devient hypnotisante. Immersive également. Si l’on se laisse porter par le lent va-et-vient des mains de Non, on pourrait presque sentir ses mains dans notre dos. Une épure si radicale qu’elle s’apparente à de la réalité virtuelle. Nous ne sommes plus spectateur⋅ices du film, nous sommes le film.
De cette radicalité, Tsai Ming-Liang en ressort quelque chose de doux et de chaleureux. Le film nous berce lentement, alternant des plans méditatifs et des séquences émouvantes — où la solitude comblée, même brièvement, est récompensée par une boîte à musique dont le son répétitif et rassurant remplace la litanie du silence. Days apaise les corps douloureux et les cœurs solitaires.
Laura Enjolvy