Bad Lieutenant (1992) de Abel Ferrara

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Après le succès de son excellent "The King of New-York" (1990), le sulfureux réalisateur Abel Ferrara continue l'exploration dans les bas-fonds de sa ville natale. Pour cette histoire le réalisateur-scénariste aborde ses sujets de prédilections, la drogue, le sexe, la violence, mais aussi la religion et la rédemption qui parsèmeront la grande partie de son cinéma. Pour ce projet Ferrara retrouve Zoë Lund qui était son actrice principale dans "L'Ange de la Vengeance" (1981) et qui est ici sa co-scénariste en s'octroyant le petit rôle de la dealeuse, la dame étant une spécialiste  des substances hallucinogènes... Un flic ripoux, junkie, alcoolique et flambeur invétéré accumule les dettes. Une nouvelle affaire fait sensation, le viol d'une religieuse dans une église, et si le flic n'y prête d'abord guère attention cette affaire va bientôt devenir une nouvelle drogue...

Le flic est incarné par Harvey Keitel, immense acteur qui retrouve ou retrouvera la plupart de ses partenaires présent au générique. Entre autre, il retrouve après "Mean Streets" (1973), "Taxi Driver" (1976), "La Dernière Tentation du Christ" (1988) tous trois de Martin Scorcese et retrouvera dans "Snake Eyes" (1993) de Ferrara l'acteur Victor Argo, qui lui-même retrouve après "The King of New-York" (1990) de Ferrara, puis retrouvera dans "True Romance" (1993) de Tony Scott et "Ghost Dog, la Voie du Samouraï" (1999) de Jim Jarmush son partenaire Frank Adonis abonné essentiellement au rôle de mafieux comme dans "Les Affranchis" (1990) et "Casino" (1996) tous deux de Scorcese, Victor Argo retrouvera encore Abel Ferrara dans "New Rose Hotel" (1998) et dans "Nos Funérailles" (1996) à l'instar de l'acteur Paul Hipp, acteur fétiche du réalisateur vu dans ce dernier mais aussi dans "China Girl" (1987), "4h44 Dernier Jour sur Terre" (2011) et "Welcome to New-York" (2014). Citons encore Peggy Gormley qui retrouve son "mari" flic après "La Dernière Tentation du Christ" (1988), puis l'acteur Paul Calderon qui retrouve aussi l'acteur principal après "Mélodie pour un Meurtre" (1989) de Harold Becker, "Pulp Fiction" (1994) de Quentin Tarantino, "Clockers" (1995) de Spike Lee et "Copland" (1997) de James Mangold, qui est et sera aussi dans "The King of New-York" (1990) et "The Addiction" (1995) tous deux de Ferrara. N'oublions pas Leonard L. Thomas vu surtout chez Spike Lee dans "Mo'Better Blues" (1990), "Clockers" (1995) avec Harvey Keitel et Paul Calderon, et dans "Girl 6" (1996), en enfin Jaime Sanchez vu dans "La Horde Sauvage" (1969) de Sam Peckinpah, "Serpico" (1973) de Sidney Lumet et "L'Impasse" (1993) de Brian De Palma... Le film est un projet unique et original, une oeuvre phare et culte qui est la quintessence même du cinéma de Abel Ferrara. Déjà le tournage à lui seul est un cas aussi cru et réaliste que choquant et malaisant. Tourné dans les rues de New-York en seulement 18 jours comme une urgence vitale le plus dingues dans ce film est que toutes les scènes de prises de drogues et d'alcool sont réelles et sans trucages ! Ainsi, les réactions des badauds dans les rues sont authentiques, tandis qu'il faut rappeler qu'à l'époque, le trio Ferrara-Lund-Keitel étaient eux-mêmes toxicomanes, leurs connaissances furent donc "idéales" pour le film comme en témoigne ce lien entre la dealeuse alias Zoë Lund qui pique le flic junkie alias Keitel.

Le réalisateur place dans son histoire toutes les thématiques qui le hantent ; un homme de loi qui a tous les vices (obsédé sexuel, alcoolo, junkie, ripoux...), la puissance de la foi qui pousse malgré lui le flic vers la rédemption, mais parce qu'il y a toujours deux faces à une pièces, il y a aussi le blasphème symbolisé par la religieuse souillée et par cette même religieuse qui pardonne. Un viol qui s'avère étonnament plutôt soft comparé au reste du film. D'ailleurs pour l'anecdote, au départ cette douloureuse séquence était accompagnée d'une musique rock dont Ferrara n'avait pas les droits. Suite à une décision de justice le réalisateur a dû remonter la séquence avec une musique d'orgue. Peu sont ceux qui ont donc pu voir le film original, ainsi que quelques fans bienheureux dans leur recherche dans les vidéothèques. Néanmoins, la scène fatidique est filmée de façon très clippesque ce qui ne permet pas une vision "voyeuriste" du passage. Par contre, le flic/Keitel a droit a plus d'égard. On le voit se piquer, flamber l'argent qu'il n'a pas, picoler à outrance, et même oser une agression sexuelle plutôt "soft" mais pas moins perturbante. On peut pourtant se dire qu'un flic aussi déviant reste invraisemblable sans doutes, enquêtes internes ou conflits entre collègues. Mais Ferrara filme les bas-fonds new-yorkais de telle façon qu'on pourrait se croire dans une autre ville et à une autre époque, sorte de ghetto post-apocalyptique et pourtant si actuel. Le tournage éprouvant sans aucun doute a offert pourtant un des 2-3 plus gros succès à Ferrara autant critique que public. Un drame humain d'abord, plutôt que polar, ce film reste une oeuvre audacieuse et marquante quin faut-il le rappeler est interdit au moins de 16 ans. 

Note :      

17/20