Full Metal Jacket (1987) de Stanley Kubrick

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Après son énième chef d'oeuvre "Shining" (1980), Stanley Kubrick pense d'abord à un film sur la Shoah mais finalement il commence à penser à un autre projet lorsqu'il rencontre Michael Herr, journaliste ancien correspondant de guerre au Viêt-Nam sur laquelle il a écrit ses mémoires "Dispatches" (1977), qui lui rappelle alors qu'il avait été marqué par le film "RAS" (1973) de Yves Boisset et qu'il avait adoré le roman "Le Merdier" soit "The Short Timers" en V.O. (1979) de Gustav Hasford. Ainsi Kubrick réunit les deux auteurs comme co-scénaristes, Michael Herr précisera que leur collaboration s'organisa d'"un coup de téléphone qui a duré trois ans, avec quelques interruptions", et que l'idée de départ était de montrer "à quoi la guerre ressemble vraiment". Le livre de Herr sert évidemment de source, tandis que le livre de Hasford inspire essentiellement les dialogues. Néanmoins, la collaboration avec Gustav Hasford va se compliquer jusqu'à son éviction après quoi, une attaque judiciaire sera engagé. Hasford ne sera plus que crédité pour les dialogues additionnels. Outre ses deux livres et collaborations, Kubrick se documentera énormément, regardant les documentaires sur le sujet, et aussi en lisant les journaux vietnamiens conservés sur microfims à la Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis, mais aussi en regardant des films sur le sujet car, logiquement, Kubrick a bien l'intention de signer un film original avec une vision nouvelle surtout quand d'autres ont déjà réalisé des chefs d'oeuvres, on pense alors à "Voyage au Bout de l'Enfer" (1978) de Michael Cimino, "Apocalypse Now" (1979) de Francis Ford Coppola et le tout récent "Platoon" (1986) de Oliver Stone. Finalement, le réalisateur qui a construit sa réputation en débutant justement avec les films de guerre "Fear and Desire" (1953) et "Les Sentiers de la Gloire" (1957) ne vas que montrer la guerre mais il va aller vers un film anti-militariste. Film interdit au moins de 12 ans... Guerre du Viêtnam, 1968, de jeunes recrues sont envoyés à l'entraînement au camps du corps des Marines à Parris Island. Une période où ils vont perdre leur insouciance.Puis ils sont envoyés au front, dans les comabts urbains de l'offensive du Têt...

Ses jeunes soldats, qui pour la plupart vont vivre ensemble les difficultés de l'entraînement comme les horreurs de la guerre, citons d'abord Matthew Modine jeune star grâce à des films comme "Birdy" (1984) de Alan Parker, vu ensuite dans "Memphis Belle" (1990) de Michael Caton-Jones, "L'Enfer du Dimanche" (1999) de Oliver Stone, "The Dark Knights Rises" (2012) de Christopher Nolan ou "Sicario : la Guerre des Cartles" (2018) de Stefano Sollima, Arliss Howard vu juste avant dans "Le Bateau Phare" (1985) de Jerzy Skolimowsi, vu plus tard dans "Le Monde Perdu" (1997) et "Amistad" (1997) tous deux de Steven Spielberg et récemment dans "Mank" (2020) de David Fincher, Vincent d'Onofrio révélation du film vu entre autre dans "JFK" (1991) de Oliver Stone, "Strange Days" (1995) de Kathryn Bigelow ou "Little New-York" (2009) de James DeMonaco, et qui retrouvera dans "Salton Sea" (2002) de D.J. Caruso son partenaire et tyran R. Lee Ermey alias sergent-instructeur Hartman dont le passé réel de Marines et d'instructeur lui avait déjà servi dans d'autres films de guerre avec "The Boys in Company C" (1978) et "Au Coeur de l'Enfer" (1984) tous deux de Sidney J. Furie et même "Apocalypse Now" (1979), devenu acteur à part entière on peut citer en fin de carrière le dyptique "Massacre à la Tronçonneuse" (2003-2006). Citons encore Adam Baldwin (rien à voir avec la fratrie de Alec, Danie, William et Stephen) remarqué dans "Des Gens comme les Autres" (1980) de Robert Redford et vu ensuite dans "Independance Day" (1996) ou "The Patriot" (2000) tous deux de Roland Emmerich, Dorian Harewood vu dans "Le Jeu du Faucon" (1985) de John Schlesinger puis entre autre dans "Gothika" (2003) de Mathieu Kassovitz et "Assaut sur le Central 13" (2005) de Jean-François Richet, Ed O'Ross remarqué dans "Cotton Club" (1984) de Francis Ford Coppola puis enchaîne avec "L'Arme Fatale" (1987) de Richard Donner, "Double Détente" (1988) et "48 Heures de Plus" (1990) tous deux de Walter Hill, et enfin John Terry aperçu dans le téléfilm "La Pourpre et le Noir" (1983) de Jerry London, remarqué dans le 007 "Tuer n'est pas Jouer" (1987) de John Glen et vu plus tard dans "Zodiac" (2007) de David Fincher... Au casting, précisons que R. Lee Ermey a été réellement instructeur des Marines et qu'il a écrit ses dialogues à 60% ! Une performance que Kubrick lui-même a qualifié de "génie dans ce rôle" !...

Contrairement à leurs habitudes, le Pentagone a refusé de soutenir le tournage car l'état-major de l'armée des Etats-Unis a trouvé que le film était trop anti-militariste. Cette décision a poussé le cinéaste à tourner par exemple la partie de Parris Island (sur de la Californie) dans une base anglaise de Bassingbourn, la partie Viêtnam dans un terrain en démolition à l'est de Londres, mais surtout le cinéaste a dû trouver des matériels militaires par d'autres moyens comme des chars M41 prêté par un admirateur, un colonel collectionneur de l'armée belge, tandis que par exemple les armes légères furent achetées à un armurier privé. Tourner en Angleterre n'a pas été une mince affaire, le climat n'étant pas adéquate, et qu'il a fallu logiquement recréé une jungle en faisant parvenir pas moins de 200 palmiers d'Espagne et près de 100000 arbres en plastique de Hong-Kong ! On notera que pour une des rares fois, la musique ne contient pas de musique classique mais une musique originale signée de Vivian Kubrick, fille de, et que le reste de la bande-son est composée de titres phares de la fin des années 60 dont "These Boots are Made for Walkin" de Nancy Sinatra, "Surfin Bird" de The Trashman, "Chapel of Love" de The Dixie Cups ou "Paint it Black" de Rolling Stones. 

Kubrick scinde son film en deux parties distinctes. La première est donc la formation des jeunes GIs qui est sans doute celle qui a le plus marqué avec les diatribes aussi vulgaires qu'hilarantes du sergent-instructeur Hartman alias R. Lee Ermey, mais aussi la dernière et terrible scène avec Baleine alias Vincent d'Onofrio. Mais cette partie apprentissage de la guerre, qui n'est pas sans rappeler par certains aspects "Le Maître de Guerre" (1986) de et avec Clint Eastwood, est surtout pour Kubrick le moyen d'aborder le sujet du conditionnement psychologique qui fait alors écho au reconditionnement du délinquant dans son précédent film "Orange Mécanique" (1971), ce martèlement par Hartman serait donc une sorte de lavage de cerveau pour faire des tueurs bêtes et disciplinées. On notera sur ce point le passage où Hartman/Ermey qui fait l'apologie des tueurs d'élite ayant tué des personnalités (dont Lee Harvey Oswald assassin de JFK), tous des ex-soldats, ironie du sort que Hartman n'a pas l'once d'une réflexion quand il termine par "Voilà ce que sait faire un Marine motivé, et avant que vous ne me quittiez, mes louloutes, vous serez capables de faire la même chose." ; l'intelligence de Kubrick est qu'il appuie cette séquence par un gros plan sur un regard lourd de sens. La seconde partie se déroule déjà plusieurs mois après le centre de formation et on retrouve plusieurs des Marines en militaires aguerris. Surtout, Kubrick insiste sur la propagande américaine via "Guignol" en reporter de guerre/GI en pleine "dualité". Certains passages restent malgré tout un peu râté comme le massage cardiaque ou quelques ralentis (d'où le point en moins). Certains ont critiqué la partie soit disant trop urbaine, justement preuve que le public est surtout lobotomisé par la jungle omniprésente dans les films du genre. Pourtant rappelons que le directeur artistique et son équipe ont travaillé deux mois sur le terrain en ruine londonien à coup d'explosifs et de boule de démolition pour que cela ressemble le plus possible à la ville de Huê en ruine (via les photos d'époque), cible réelle lors de l'offensive du Têt. On remarquera lors de la scène de la mort de "Cowboy" un bâtiment en arrière-plan qui ressemble étonnamment à un certain monolithe dans "2001...", ce à quoi pourtant Kubrick qualifiera ce plan comme un "accident extraordinaire". Malgré l'ombre récente de "Platoon" au moment de sa sortie, le film reste un joli succès se remboursant le budget de 30 millions de dollars très largement rien que sur le sol américain, engrangeant environ 120 millions de dollars au box-office Monde dont plus de 2,3 millions d'entrées France avec en prime un unique prix, et pas des moindres avec le mérité Golden Globe du meilleur acteur dans un second rôle pour R. Lee Ermey à jamais cultissime. Le film demeure un monument du genre à voir, revoir et à conseiller. Chef d'oeuvre.

Note :   

19/20

Pour info bonus, Note de mon fils de 13 ans :               

14/20