Mascarade (2022) de Nicolas Bedos

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Après les excellents "Monsieur et Madame Adelman" (2017) et "La Belle Epoque" (2019), et du plus décevant mais jubilatoire "OSS 117 : Alerte Rouge en Afrique Noire" (2021), Nicolas Bedos revient avec un projet qui devait d'abord être à l'origine un roman inspiré de la période de sa vie vers l'âge de 23 ans lorsqu'il se "noyait dans l'oisiveté et l'argent des autres" dixit Bedos lui-même. Le réalisateur-scénariste explique : "Je le dis sans coquetterie : je suis un romancier râté. Parce que je me perds dans des disgressions, je coince pendant des semaines sur les retouches stylistiques et je perds la trame principale. C'est Doria (Tillier), ma compagne à l'époque, qui un soir m'a dit : "arrête, fais-en un film." J"ai une relative assurance dans l'écriture scénaristique. J'écris vite et je pense maîtriser plus ou moins les différentes trames narratives. Ce qui n'est plus le cas quand je m'attaque à la prose." Son scénario est inspiré de plusieurs souvenirs de sa jeunesse, notamment via le personnage de Martha, sorte de ligne directrice, qui serait la combinaison de deux femmes qu'il a connues : "L'une était proche de les parents, c'était la muse d'un grand metteur en scène dont elle a découvert l'homosexualité près 30 ans d'amour et de collaboration. Son monde s'est écroulé devant nous. L'autre est une amie dont j'ai accompagné le chemin intérieur vers la rencontre avec sa mère biologique." Rappelons que le film a été présenté hors compétition au Festival de Cannes 2022 où le film a reçu un accueil dithyrambique salué par une ovation de 13 minutes !... Adrien était promis à une carrière de danseur mais son rêve s'est arrêté après un accident de moto. Aujourd'hui il est le gigolo de Martha Duval ex-star de cinéma vivant sur la Côte d'Azur. Il rencontre Margot, belle et jeune femme qui est surtout une jolie manipulatrice avec qui il se lie et surtout avec qui il s'associe pour monter une arnaque sur fond de mascarade sentimentale. Pour leur plan ils ont besoin d'un "pigeon" , ils jettent leur dévolu sur Simon, un agent immobilier...

Adrien est interprété par Pierre Niney vu récemment dans "Goliath" (2022) de Frédéric Tellier qui retrouve Nicolas Bedos après "OSS 117 : Alerte Rouge en Afrique Noire" (2021). La jolie arnaqueuse est jouée par Marine Vacth vue récemment dans "ADN" (2020) de et avec Maïwenn et "Novembre" (2022) de Cédric Jimenez. L'ex-star est incarnée par Isabelle Adjani qui retrouve un statut vu dans "Peter Von Kant" (2022) de François Ozon tandis qu'elle retrouve des années après le chef d'oeuvre "L'Eté Meurtrier" (1983) de Jean Becker son partenaire François Cluzet vu récemment dans "L'Homme de la Cave" (2021) de Philippe Le Guay et "Canailles" (2022) de Christophe Offenstein avec justement Doria Tillier. Ils sont entourés de Emmanuelle Devos actrice fétiche de Arnaud Desplechin depuis "La Sentinelle" (1992) jusqu'au récent "Tromperie" (2021), l'italienne Laura Morante déjà vu dans des films français comme "Coeurs" (2006) de Alain Resnais ou "Molière" (2007) de Laurent Tirard, Charles Berling qu'on n'avait pas vu depuis "Trois Jours et Une Vie" (2019) de Nicolas Boukhrief et qui retrouve Pierre Niney après "20 ans d'Ecart" (2013) de David Moreau, Nicolas Briançon vu récemment dans "Mystère à Saint-Tropez" (2021) de Nicolas Benamou et qui retrouve Bedos après "Monsieur et Madame Adelman" (2017) à l'instar de l'actrice  Christiane Millet qui était également à l'affiche de  "La Belle Epoque" (2019), elle retrouve également Pierre Niney après "LOL" (2009) de Lisa Azuelos et "Les Emotifs Anonymes" (2010) de Jean-Pierre Améris, puis enfin le britannique James Wilby révélé dans les films "Maurice" (1987) et "Retour à Howard Ends" (1992) tous deux de James Ivory... Notons qu'il s'agit de son premier film pour lequel Nicolas Bedos ne signe pas la musique, cette fois il laisse le poste à Anne-Sophie Versnaeyen qui avait collaboré déjà sur "La Belle Epoque" et "OSS 117..."... Le film s'ouvre sur une citation du romancier William Somerset Maugham : "... un lieu plein de soleil pour les gens louches (qui cherchent à se mettre à l'ombre)." Le film débute par la fin et annonce ainsi que la construction narrative ne sera pas linéaire mais sous forme d'un grand flash-back pour raconter une histoire d'escroquerie à double tiroirs. La Côte d'Azur est évidemment un décor idéal, les escrocs vont logiquement là où il y a l'argent, et ceux qui ont l'argent restent un microcosme où tout le monde se connaît plus ou moins, pour le meilleur ou pour le pire. C'est ainsi qu'un gigolo rencontre une escort, qui tombe amoureux (ou pas !) et qui vont monter une arnaque où chacun va devoir séduire et marier un vieux-vieille riche mais, forcément, un grain de sable va apparaître où on ne l'attend pas.

Le concept du flash-back est connu et reste toujours efficace surtout quand le twist ou le suspense tient le coup jusqu'au bout. Ensuite il faut assurer un rythme soutenu sans que le flash-back soit un frein. Premier bon point, Bedos écrit avec talent et assure un récit qui va vite, reste compréhensif tout en ménageant l'issu entre suppositions et sentiments. Aucune scène n'est anecdotique ou superflue, il se passe toujours quelques choses aussi bien dans l'action que dans l'émotion, dans les événements ou des détails intimes. L'arnaque se construit de façon assez basique au final mais repose sur tant de paramètres émotionnels qu'on sent que tout peut basculer, on reste donc toujours à l'affût du twist. Les dialogues sont ciselés et restent toujours pertinents tout en évitant le mot d'auteur ce qui n'était pas le cas pour ses précédents films, judicieux au vu du sujet ce qui prouve aussi l'intelligence du réalisateur-scénariste par rapport à son propos. Mais ce qu'on aime surtout c'est le style de la forme qui est plutôt dans la fantaisie, comme pour marquer le plaisir et la liberté que procure l'argent, tandis que le fond est au contraire une satire cynique qui montre toute la superficialité que procure ce même argent. Mais là où Bedos surprend son monde c'est la dimension féministe de son histoire, de sa morale, et qui d'ailleurs amenée de façon subtile et même avec une certaine humilité. Merveilleusement composé le casting quatre étoiles sert un film ambitieux qui serait presque hollywoodien, chaque acteur et actrice peut se targuer d'offrir une de leur meilleure performance. En prime on appréciera la dérision de Isabelle Adjani dont la partie "star déchue" fait référence au grand classique "Boulevard du Crépuscule" (1951) de Billy Wilder. Nicolas Bedos signe un 4ème film encore magnifiquement écrit, si ses deux premiers films restent les meilleurs à ce jour il prouve toutefois un talent certain, avec une acuité de traitement et une intelligence dans le propos qui passionne et offre un film et un divertissement de haute volée. A voir et à conseiller.

Note :      

17/20