Le Serment de Pamfir (2022) de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk

Premier long métrage du réalisateur-scénariste ukrainien Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk qui s'est fait connaître avec des courts métrages depuis "Otrotstvo" (2008) jusqu'à "Weightlifter" (2018) qui lui a permis d'être remarqué et aidé ensuite par la Berlinale Talents ou la Locarno Film Academy. Mais surtout, pour son premier long métrage il a reçu le soutien de la Cinéfondation de Cannes pour une co-production France, Chili et Pologne. Mais malgré l'actualité brûlante dans son pays, le cinéaste n'aborde pas la guerre en Ukraine mais offre un thriller viscéral qui a été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs au dernier Festival de Cannes 2022... 

Le Serment de Pamfir (2022) de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk

Dans une région réculée de l'Ukraine proche de la frontière, Pamfir retrouve femme et enfant après de longs mois d'absence. Alors qu'il envisage de repartir pour chercher du travail, son fils se retrouve au coeur d'un incendie criminel ce qui pousse Pamfir à renouer avec un passé trouble pour réparer le préjudice... Le rôle principal est incarné par Aleksandr Yatsentyuk dans son premier rôle sur grand écran après avoir été révélé par la série TV "Kholod" (2022). Son fils est interprété par le jeune Stanilav Potiak également dans son premier rôle. Citons ensuite Solomiya Kyrylova remarquée juste avant dans le court métrage "Leopolis Night" (2021) de Nikon Romancheko. Les parents de Pamfir sont joués par Olena Khokhlatkina surtout vue dans des séries TV et quelques films dont le récent "How is Katia" (2022) de Christina Tynkevych, puis Miroslav Makoviychuk surtout connu pour les films "Legenda o Bessmertii" (1986) et "Melankholiynyi Vals" (1990) tous deux de Boris Savchenko. Et enfin citons Ivan Sharan vu récemment dans "Shlyakhetni Volotsyuhi" (2018) de Aleksandr Berezan et "Prostir" (2021) de Dmitriy Tomashpolskiy... On remarque d'emblée les similitudes avec le tout récent "R.M.N." (2022) de Cristian Mungiu, un père force de la nature et rustre revenant d'un pays étranger pour revenir chez les siens avant de se retrouver pris au piège d'un passé et d'une certaine réalité économique, et même la Roumanie est présente dans ce film ukrainien qui a la bonne idée d'occulter la guerre avec la Russie comme pour prouver que l'Ukraine ne se résume pas à ce seul conflit, même aujourd'hui.

Le Serment de Pamfir (2022) de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk

Le récit se passe à la frontière roumano-ukrainienne, et comme toute frontière cela ouvre à la contrebande dans une région qui de surcroît rurale et sinistrée ce qui confirme la volonté du réalisateur : "Je voudrais poser la question de l'émigration ukrainienne et du fossé qui sépare l'Union Européenne des pays de l'Est. Je veux raconter le récit existentiel d'un être humain et de son combat, d'un homme désespéré qui, pour en arriver au système idéalisé, enfreint un certain nombre de normes éthiques et de lois humains." Un homme simple qui va prendre le risque de mettre un pas dans un engrenage infernal dont il connaît pourtant bien les dangers. Un polar social teinté de tragédie grecque judicieusement mis en image grâce au carnaval traditionnel qui permet un onirisme bienvenu même si on peut regretté que le réalisateur n'est pas plus profité du potentiel iconographique et esthétique de l'événement. Pour finir, un joli casting et des personnages bien croqués même si le parallèle entre Pamfir en "homme animal" dur et sévère mais père et mari aimant avec le monsieur Oreste est sans doute un peu simpliste. On notera surtout la performance de la mère courage. Un drame avec en filigrane le poids de la religion et la corruption qui gangrène tout un pays. Un film solide et maîtrisé qui a la mérite de la cohérence et d'une réalité qui n'est pas si loin de chez nous.

Note :      

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14/20