Justine ou les infortunes de la vertu

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Artus Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Justine ou les infortunes de la vertu » de Jess Franco.

« Dans ce monde, la seule chose qui soit mal, c’est de se faire prendre ! »

À la fin du XVIIIe siècle, dans sa cellule, le marquis de Sade se remémore les souvenirs de Juliette et Justine. Les deux soeurs inséparables, après la mort de leur mère et la ruine de leur père, ont grandi dans un couvent. Après l’avoir quitté, elles se rendent à Paris, se faisant engager dans un bordel. Tandis que Juliette s’y sent très à l’aise, Justine préfère fuir et suivre un chemin plus vertueux. Mais elle apprendra que la vertu ne lui sourit guère…

« Songe à toutes les épreuves que tu as traversé. Si ces dernières sont les fruits de la vertu, ne serait-ce pas alors pour toi la représentation du plaisir ultime ? »

Figure du cinéma bis espagnol, le prolifique et éclectique Jess Franco multiplie pendant une dizaine d’années les productions fauchées, alternant entre les eurospy (« Agent 077 opération Jamaïque », « Opération Re Mida ») et les films horrifiques (« L’horrible Dr Orloff », « Le sadique Baron Von Klaus »), avec déjà un goût prononcé pour les filles sexys et dénudées qui seront, sinon une constante, l’une des marques de fabrique de son cinéma. Mais à la fin des années 60, sa carrière connait un coup d’accélérateur né de sa collaboration avec le sulfureux producteur anglais Harry Alan Towers. S’il est d’abord embauché pour diriger deux opus de la saga du « Docteur Fu Manchu » portée par Christopher Lee, il se voit ensuite offrir la possibilité de réaliser des projets plus personnels, qui plus est avec des moyens plus confortables qui lui permettront de réunir des castings plus prestigieux. C’est ainsi qu’il réalise en 1968 le film « 99 femmes » qui initiera son cycle de films de prison de femmes. Ou encore, la même année, « Justine ou les infortunes de la vertu ».

« Ton Dieu ? Quel Dieu ? Si le mal existe, c’est que ton Dieu en a besoin ou qu’il est trop faible pour l’empêcher ! »

Un projet audacieux puisqu’il s’agit de la première adaptation cinématographique « officielle » d’un roman du Marquis de Sade. On y suit donc les (més)aventures de Justine, adolescente renvoyée sans le sou du couvent à la suite du décès de ses parents et qui, innocente et livrée à elle-même, enchainera alors les mauvaises rencontres. Mais à la différence de sa sœur Juliette qui usera de ses charmes et de son corps pour survivre et gravir l’échelle sociale, Justine se battra constamment pour préserver sa vertu des nombreux prédateurs, ce qui aura pour conséquence de lui faire subir les pires épreuves. Une vision cynique et provocatrice du monde, où la vertu ne sert à rien sinon à récolter problèmes châtiments, par opposition à l’immoralité qui mène au succès. S’il prend à l’évidence beaucoup de libertés par rapport au texte originel, Jess Franco garde néanmoins la substantifique moelle de l’œuvre qu’il reconstitue en une succession de saynètes assez hétéroclites. Les séquences de la prison ou chez la marquise de Bressac semblant ainsi largement plus réussies que celles du début chez l’aubergiste Du Harpin ou dans la confrérie du Père Antonin, qui pêche par excès de kitsch (le passage où Palace défile immobile sur un char). S'il demeure sans doute inégal, le film reste néanmoins plutôt agréable à suivre. D'autant que Franco y trouve un formidable prétexte pour y dénuder ses actrices à tout crin. D’un point de vue esthétique, les moyens plutôt confortables permettent une reconstitution (décors, costumes) plutôt réussie. Mais surtout, Franco peut compter sur une palanquée de seconds couteaux prestigieux et souvent brillants, à l’image de Jack Palance, Mercedes McCambridge, Akim Tamiroff ou encore Klaud Kinski dont les rares apparitions sont néanmoins toujours marquantes. C’est sans doute d’ailleurs là que le bât blesse. En effet, difficile dès lors pour la jeune Romina Power (fille de Tyrone, qui incarne ici le personnage titre) de masquer la faiblesse de son jeu face à de tels acteurs, amplifiant un peu le côté bancal du film. Un Jess Franco plutôt plaisant néanmoins.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master restauré 2k et proposé en version originale anglaise (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de « Les Infortunes de Franco » : présentation par Stéphane du Mesnildot (24 min.), d’un Diaporama d’affiches et photos (2 min.) ainsi que d’une Bande-annonce originale.

Édité par Artus Films, « Justine ou les infortunes de la vertu » est disponible en combo blu-ray + DVD depuis le 17 mai 2022.

Le site Internet d’Artus Films est ici. Sa page Facebook est ici.