[FUCKING SÉRIES] : Le Cabinet de Curiosités de Guillermo Del Toro : Terreur vintage

Par Fuckcinephiles

(Critique - avec spoilers - de la saison 1)

Sur le papier, l'idée de voir un pape du cinéma fantastique tel que Guillermo Del Toro guider (mais pas partager la réalisation, petite déception) et servir d'hôte à la Rod Sterling (en plus rigide mais pas moins attachant) sur une série d'anthologie horrifique est presque trop belle pour être vraie, tant le souvenir pas si lointain et mitigé des deux saisons de Masters of Horror (meilleur générique ever), nous laisse encore un goût amer dans la bouche malgré quelques investissements majeurs - John Carpenter et Joe Dante en tête - et des épisodes qui méritaient clairement leur pesant de pop-corn.
Un exercice exigeant mais non moins passionnant à découvrir et décortiquer, même dans ses recoins les plus décevants.

Murmuration - Copyright Netflix


Avec un casting de cinéastes sensiblement moins pimpant que la série de Mike Garris (qui ne rimait pas pour autant avec gage de qualité, comme on a pu le découvrir) mais clairement plus de moyens - coucou Netflix -, Le Cabinet de curiosités de Guillermo del Toro et sa belle galerie de talents - Catherine Hardwicke, Keith Thomas, Panos Cosmatos, Jennifer Kent, Guillermo Navarro, David Prior, Ana Lily Amirpour et Vincenzo Natali -, distille donc un doux parfum de macabre à un Halloween 2022 qui en manquait cruellement, avec huit épisodes/films à la qualité certes diverse mais embaumé dans un charme nostalgique qui fait sensiblement des ravages pour les amoureux du genre.
Chapeauté comme des contes horrifico-diaboliques autonomes (tous sont inspirés de nouvelles, dont deux de HP Lovecraft) aux effets pratiques résolument plus convaincants que la majorité de ses CGI, chaque opus réserve son lot de terreur mesuré et éclectique autour d'une galerie de personnages désespérés, orgueilleux et/où immoraux, comme tout bon récit de mise en garde qui se respecte.

Rats de Cimetière - Copyright Ken Woroner/Netflix


À ce petit jeu, certains s'en sortent évidemment mieux que d'autres même si la plupart des hauts faits de cette première salve d'épisodes n'atteignent jamais le paroxysme terrifiant de certaines adaptations de Masters of Horror.
Aux rayons des immanquables, l'obsédant et dévastateur Murmuration de Jennifer Kent tient la dragée haute à tous ses petits camarades, sommet de fantastique déstabilisant et dévorant sur un couple d'ornithologues en deuil (duperbe tandem Essie Davis/Andrew Lincoln) qui cite directement dans son lyrisme L'Échine du Diable de Del Toro lui-même, avec son fantôme souffrant dont les apparitions sont lourdes de sens.
Mention également au Rats de Cimetière de Vincenzo Natali et sa claustrophobie rampante, flanqué dans le Masachusetts du début du XXe siècle où un gardien de cimetière sans le sou se fait pilleur de tombes, alors qu'une horde de rongeurs voraces lui saccage son butin.
L'Autopsie de David Prior tire également agréablement son épingle du jeu avec son virage vers l'horreur cosmique et macabre avec son enquête passionnante sur la mort de plusieurs personnes dans l'explosion d'une mine de charbon, porté par la prestation démente du génial F. Murray Abraham.

L'Autopsie - Copyright Ken Woroner/Netflix


Moins mémorable même si étonnamment très coloré, La Prison des Apparences - malgré un excellent Dan Stevens - d'Ana Lily Amirpour dénonce fébrilement la supercherie des publireportages, de la surconsommation de masse et de la dangerosité du culte de l'apparence vanté par la société contemporaine.
Idem pour Lot 36 qui marque les débuts a la réalisation du DOP oscarisé Guillermo Navarro, scrutant les aternoiements d'un amer et déprimé vétéran de la guerre du Vietnam sous fond de xénophobie et de grands conflits mondiaux qui rappelle clairement les obsessions de Del Toro.
Les deux adaptations de HP Lovecraft, Le Modèle de Keith Thomas et Cauchemars de Passage de Catherine Hardwick, peinent eux aussi à imprimer les mémoires malgré quelques séquences bizarres et saisissantes, des tons nihilistes et un casting totalement voué à sa cause (Crispin Glover pour le premier, Rupert Grint pour le second).
Le popotin coincé entre les deux chaises, L'Exposition de Panos Cosmatos et son esthétique inondée de néons, est à la fois l'un des efforts les plus élégants et psychédéliques mais aussi les plus baroques de la saison, qui vaut surtout pour son final explosif - dans tous les sens du terme - et un Peter Weller hypnotique.

L'exposition - Copyright Ken Woroner/Netflix


Consciemment enlacé dans la plus pure tradition des autres anthologies horrifiques tout en contant des histoires confortablement familières dans leur terreur, ce Cabinet des Curiosités première cuvée s'offre un démarrage tout en douceur, guère parfait mais sensiblement engageant, pour ce qui pourrait bel et bien être un rendez-vous régulier du côté de la plateforme au Toudoum.
On ne serait clairement pas contre.
Jonathan Chevrier