Kinjite: sujets tabous

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Kinjite, sujets tabous » de J. Lee Thompson.

« Comment peut-on aimer une voiture à vingt-cinq milles dollars payée par des gamins prépubères qu’on met à quatre pattes ? »

Réputé pour son tempérament et ses interventions musclées, l’inspecteur Crowe mène la vie dure à Duke, le chef d’un réseau pédophile qui prostitue les jeunes filles. Lui-même père d’une adolescente, qu’il protège farouchement du monde extérieur, il répond à l’appel d’un riche industriel japonais dont la fille est tombée dans les filets de Duke et de son organisation…

« Tu n’es qu’un chien enragé et moi les chiens enragés je les tue. »

Longtemps cantonné aux seconds rôles dans des films de premier plan (« La grande évasion », « Les sept mercenaires », « Propriété interdite », « La bataille des Ardennes », « Les douze salopards »…), Charles Bronson ne parvient pas à obtenir en Amérique la reconnaissance professionnelle qu’il estime mériter. Même si son CV empile les collaborations avec les plus grands réalisateurs hollywoodiens de son époque (George Cukor, Samuel Fuller, John Sturges, Robert Aldrich, Vincent Minnelli…). C’est donc en Europe qu’il viendra gagner ses galons de star planétaire à la fin des années 60 où il trouve des premiers rôles à sa mesure (« Le passager de la pluie », « Adieu l’ami », « Cosa nostra », « La cité de la violence ») et même deviendra même une icône grâce au succès mondial de « Il était une fois dans l’ouest ». Mais en dépit de quelques films brillants à son retour en Amérique (« Mr Majestyk », « Le bagarreur », « Le solitaire de Fort Humboldt »), Bronson finit par s’enfermer par facilité dans ce rôle de justicier vengeur brutal (« Un justicier dans la ville » et ses suites) qui lui collera à la peau jusqu’à la caricature. Sa fin de carrière reste surtout marquée par sa rencontre avec le cinéaste anglais J. Lee Thompson, auteur d’une poignée de grands films (« Les canons de Navarone », « Les nerfs à vif ») et de quelques blockbusters ratés (les deux derniers volets de la saga de la « Planète des singes »). Les deux hommes tourneront ensemble neuf films, principalement pour la Cannon, société de production spécialisée dans les films d’action efficaces et peu couteux.

« On est tous la proie des démons. Il appartient à chacun de trouver quel est son démon. »

La société nipponne étant traditionnellement très codifiée et policée, il est de convenance de ne pas aborder en public certains sujets jugés trop inconvenants ou vulgaires pour ne pas mettre son interlocuteur dans l’embarras. Littéralement, ces sujets sont considérés comme « Kinjite », tabous. Alors forcément quand un ressortissant japonais se retrouve à séjourner dans la très décadente Amérique, il y voit là l’occasion de laisser libre court à ses pulsions les plus primaires et de se libérer par là-même de ses plus profondes frustrations. C’est du moins la logique de Duke, cadre supérieur fraichement expatrié qui se laisse aller à peloter sans scrupules des adolescentes dans les bus. Sans même penser que des prédateurs encore plus vicieux que lui rôdent en ville et pourraient faire subir des choses bien pires à sa propre fille. Avec « Kinjite », J. Lee Thompson signe ainsi un polar assez violent sur fond de choc des cultures et de réseaux de prostitution pédophile. Mais comme souvent dans ses collaborations tardives avec Bronson, le sujet y est traité de façon très racoleuse, de façon à justifier insidieusement les agissements violents et expéditifs du héros qui outrepasse constamment la loi. Comme lorsque il fait manger ses clés de voiture à un proxénète après avoir démoli sa voiture. Mais de façon plus voyante qu’à l’accoutumée, « Kinjite » se distingue aussi par son racisme latent (le japonais fourbe et pervers, mais aussi les odieux proxénètes qui sont tous noirs). Passées ces considérations, il reste un polar nerveux et violent (à l'image de la mémorable séquence finale sur le port) très classique tant il s’inscrit dans les standards habituels des films tournés par Bronson au cours de cette décennie. Les amateurs ne seront ainsi pas déçus, malgré un Bronson qui semble un peu rattrapé par son âge. Le film revêt même une dimension particulière puisqu’il s’agit de l’ultime réalisation de Thompson et de l’antépénultième film de Bronson. La fin d’une époque (et quelque part d’un certain cinéma) en quelque sorte.

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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-Définition et proposé en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation par Olivier Père ainsi que du module « Charles Bronson, un héros populaire ».

Édité par Sidonis Calysta, « Kinjite, sujets tabous » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 9 juin 2022.

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