Un Beau Matin (2022) de Mia Hansen-Love

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Après "Bergman Island" (2021) la réalisatrice Mia Hansen-Love revient avec un nouveau film comme souvent inspiré par sa propre vie et cette fois par sa douloureuse expérience auprès de son père qui a souffert du Syndrome de Benson sorte de variant à Alzheimer : "Je cherchais à donner un sens à ce que je traversais. Et je voulais explorer la façon dont peuvent dialoguer deux sentiments opposés, un deuil et une renaissance, le fait de les éprouver simultanément. Même si elle est tourmentée, l'histoire de Sandra et Clément est surtout une joie. Avec son père, ce n'est que souffrance. Les deux récits cohabitent. Cela m'intéressait de trouver une forme cinématographique pour donner à voir cette coexistence." Ainsi après s'être par exemple inspirée de sa mère pour "L'Avenir" (2016) ou de son propre couple avec le réalisateur Olivier Assayas pour "Bergman Island" la réalisatrice-scénariste Mia Hansen-Love mêle son expérience avec la maladie à une histoire d'amour heureuse... Sandra, mère célibataire, doit aussi gérer son père malade qui perd la mémoire. Alors qu'elle bataille pour que son père soit le mieux soigner possible elle fait la rencontre de Clément, un ancien ami perdu de vue avec qui elle débute une histoire d'amour...

Cette maman célibattante est incarnée par Léa Seydoux vue récemment dans "L'Histoire de ma Femme" (2022) de Ildiko Enyedi, "Tromperie" (2022) de Arnaud Desplechin et "Les Crimes du Futur" (2022) de David Cronenberg, puis elle retrouve après "Mystères de Lisbonne" (2010) de Raoul Ruiz son partenaire Melvil Poupaud qui retrouve famille et amante après "Frère et Soeur" (2022) de Arnaud Desplechin et "Les Jeunes Amants" (2022) de Carine Tardieu. Le père malade est joué par Pascal Greggory qu'on n'avait pas vu depuis "Soeurs d'Armes" (2019) de Caroline Fourest, "Frankie" (2019) de Ira Sachs et "Notre-Dame du Nil" (2019) de Atiq Rahimi, tandis que la mère est interprétée par Nicole Garcia récemment actrice dans "L'Origine du Monde" (2021) de et avec Laurent Lafitte et réalisatrice pour "Amants" (2021). Citons tout de même la fillette de Sandra/Seydoux jouée par la jeune Camille Leban Martins dans son premier rôle, puis citons Sarah Le Picard vue dernièrement dans "Médecin de Nuit" (2021) de Elie Wajeman (dont les enfants apparaissent dans "Un Beau Matin") et "Les Goûts et les Couleurs" (2022) de Michel Leclerc... Forcément, vu les déclarations de la réalisatrice on est pressé de découvrir une Léa Seydoux loin de son côté glamour, plus "terre à terre" à priori, tandis que l'histoire de cette femme qui est entre la tristesse de perdre son père petit à petit et la joie de retrouver l'amour et donc le bonheur à de quoi séduire. Mais logiquement, la cinéaste fait des promesses et par définition on veut qu'elles soient tenues. Rappelons que la réalisatrice a dit : "Ces dernières années, Léa Seydoux a beaucoup été regardée comme objet de désir. Elle incarne - de façon puissante -un certain sex appeal, un certain glamour pas conventionnel..."

Première déception, car si Léa Seydoux se fait plus mère de famille lambda que vamp sexy la réalisatrice n'hésite pourtant pas à dénuder l'actrice et à se servir justement de son corps désirable sur plusieurs séquences et donc, en pleine hypocrisie, la cinéaste met en scène des passages qui mettent en valeur un certain érotisme. Rappelons à Mia Hansen-Love que l'actrice a déjà été utilisé sans son sex-appeal dans plusieurs films tandis que dans son film son personnage pourrait nous faire penser parfois à celui dans "Tromperie" (2022). Enfin, le but de la cinéaste était d'effectuer un parallèle bonheur/amour face à la tristesse/deuil comme l'explique d'ailleurs très bien la réalisatrice : "Paradoxalement, la mémoire est du côté du père... Cela tient sans doute aux figures masculines et féminines de mon histoire familiale. Dans les histoires que je raconte, les figures maternelles sont plus facilement tournées vers l'avenir, les figures paternelles sont plus foncièrement mélancoliques..." Intéressant, et surtout cela permettait effectivement un mélange des émotions autour de ce que pouvais ressentir  Sandra/Seydoux. Mais là aussi la réalisatrice ne va pas au bout de son idée avec une histoire d'amour loin d'être en pleine béatitude, loin des promesses habituelles pour l'avenir, loin d'apporter le bonheur loin de ravir le coeur que ce soit celui de Sandra ou des spectateurs. Ainsi, l'histoire d'amour s'avère un peut trop chaotique pour apporter ce bonheur et ce plaisir qui "compenserait" la mélancolie et la tristesse dues à la maladie dégénérative du père. Heureusement, les deux histoires parallèles restent touchantes et bien écrites, bien construites autour de Sandra incarnée merveilleusement par Léa Seydoux une fois de plus si juste. En prime notons un Pascal Greggory qui offre une performance impressionnante tout en dignité. Mia Hansen-Love signe un drame émouvant, on aurait tout de même aimé une légèreté plus appuyée quand l'amour frappe. Un bon moment qui va justement vous la donner, la mélancolie... 

Note :      

12/20