[CRITIQUE] : La Dernière Nuit de Lise Broholm

[CRITIQUE] : La Dernière Nuit de Lise BroholmRéalisatrice : Thea Lindeburg
Avec : Flora Ofelia Hofmann Lindahl, Ida Cæcilie Rasmussen, Thure Lindhardt, Palma Lindeburg Leth, …
Distributeur : UFO Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Historique
Nationalité : Danois
Durée : 1h26min
Synopsis :
Campagne danoise, fin du XIXe siècle. Lise, aînée d'une famille luthérienne, rêve d'émancipation. Mais lorsque sa mère est sur le point d'accoucher, la jeune fille voit sa vie basculer en une nuit…
Critique :

#LaDernièreNuitdeLiseBroholm est une oeuvre sans pitié. Parce qu’il nous montre une seule journée, le film est une impitoyable fuite vers l’avant, une dernière nuit qui signe la mort d’un avenir sans contrainte, une dernière nuit qui signe la fin de l’enfance. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/OGjsKtXBgf

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) September 10, 2022

Premier long métrage de la réalisatrice Thea Lindeburg, La Dernière Nuit de Lise Broholm dépeint avec minutie la campagne danoise du XIXe siècle alors que l'Église luthérienne régissait la vie et les idéaux des habitant⋅es. Comme le titre l’indique, une nuit suffit pour changer radicalement l’avenir de la jeune Lise, l’aînée d’une grande fratrie. Une nuit suffit pour évoquer une vie féminine limitée par les croyances de l’époque et par une structure familiale qui enferme tout élan libertaire.

[CRITIQUE] : La Dernière Nuit de Lise Broholm

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La beauté picturale de la campagne est mise en avant par le choix de la cinéaste de tourner en 16 mm. Le grain de pellicule et la gestion de la lumière capturent la douceur du soleil et viennent souligner l’environnement de Lise. Des rideaux blancs volent au rythme du vent. Un papillon s’invite dans une chambre. La poussière s’élève dans la lumière tandis que deux sœurs s’amusent. Il y a un peu de Jane Campion dans ce début de film qui, dans Bright Star, s'employait à filmer les détails d’une maison pour mieux signifier la sensualité d’un amour. Dans La Dernière Nuit de Lise Broholm, ces détails forment une iconographie rurale chaleureuse et entourent le personnage d’un bonheur éphémère. Ces moments de joie, purement enfantin, se font de plus en plus rares alors que le récit déploie les griffes du malheur.
Thea Lindeburg adapte librement un roman danois écrit par Marie Bregendahl, où un accouchement compliqué change radicalement le destin d’une jeune femme destinée à s’instruire ailleurs. En effet, nous comprenons que Lise part bientôt pour une autre vie, loin de sa famille. Une certaine rébellion apparaît chez la jeune femme, une certaine scission s’effectue dans le cadre. Elle se trouve souvent seule, au calme, alors que l’on entend au loin les cris et les rires de ses frères et sœurs. Le son intensifie son souffle, la caméra privilégie les gros plans sur elle (son regard, ses mains, ses pieds). Mais à mesure que l’accouchement de sa mère prend le pas sur le récit, il prend également le pas sur la distance de Lise vis-à-vis des autres personnages. Très vite, le cadre est envahi par les autres membres de la famille. Le son devient une cacophonie, l’image se fait plus trouble et privilégie la caméra portée. Ce changement soudain de mise en scène amène un suspense insoutenable. Nous craignons le pire et c’est ce qui arrive.

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Malgré la douceur qu’apporte le grain de pellicule, Thea Lindeburg n’hésite pas à filmer la brutalité de ce monde rural et religieux, où les croyances prennent le contrôle sur le corps des femmes. Chaque geste ou pensée de Lise est remis en contexte dans sa religion, est vu comme un péché. Un regard dans le miroir est contrebalancé par un tableau religieux. L’emprunt de la broche de sa mère ainsi que son attirance pour un garçon d’écurie (platonique) lui seront reprochés par la suite et brandis comme des raisons de son malheur. Si sa mère est en mauvaise posture pendant son accouchement, c’est à cause d’elle et de son comportement. C’est parce qu’elle a voulu s’enfuir, s’extraire de la volonté de Dieu. La structure est trop bien huilée pour que l’on puisse lui échapper. Ironiquement, les jeunes filles rêvent de ce qu’elles pourraient faire en étant orphelines de mère. Elles rêvent d’être libres, de porter ce qu’elles veulent, de parler à qui elles veulent, comme si c’était les femmes de la maison qui les empêchaient de vivre. Mais le public ne peut s’y tromper, les mères, tout autant que les autres, sont contraintes de vivre selon les préceptes religieux et patriarcaux. En nous montrant cet aveuglement, la réalisatrice nous dévoile les racines de l’ignorance qui se déploient si bien que les personnages sont incapables de désigner leur véritables bourreaux. Lise est la seule à entrevoir la vérité, la seule à toucher du doigt la liberté tant espérée. La seule qui connaîtra la frustration car elle a pu entrevoir un ailleurs.
La Dernière Nuit de Lise Broholm est un film sans pitié. Parce qu’il nous montre une seule journée, le film est une impitoyable fuite vers l’avant. Une dernière nuit qui signe la mort d’un possible et d’un avenir sans contrainte. Une dernière nuit qui signe la fin de l’enfance.
Laura Enjolvy
[CRITIQUE] : La Dernière Nuit de Lise Broholm