Le maître-nageur

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci aux Editions Montparnasse pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Le maître-nageur » de Jean-Louis Trintignant.

« Nous irons vers le soleil ! »

Dans une petite ville du nord de la France, Marie Mariani, une jeune femme d’origine italienne, est séduite par Marcel Potier, un chanteur de charme raté. Après avoir présenté Marcel à sa famille, ils se marient et partent au soleil, sur la Côte d’Azur. Sans le sou, Marie veut faire travailler Marcel. Une petite annonce lui apprend que le très riche Zopoulos cherche un maître-nageur. Envieuse, elle fait engager son mari comme maitre-nageur par le milliardaire. Sentant sa fin venir, ce dernier organise un marathon dans sa piscine dont l’issue est le leg de sa fortune…

« M. Zopoulos n’est pas paralysé des jambes. Mais comme il a les moyens, il n’est pas obligé de marcher. »

Qu’il ait été jeune premier charmeur, héros romantique ou bureaucrate inquiétant, Jean-Louis Trintignant fut à n’en pas douter l’un des acteurs français les plus importants et les plus emblématiques des soixante dernières années. Acteur fétiche de Claude Lellouch, de Michael Haneke ou de Costa-Gavras, sa carrière reste ponctuée de films majeurs (« Et dieu créa la femme », « Un homme et une femme », « Paris brûle-t-il ? »). Il réussira même l’exploit d’être apprécié tant par les cinéastes de la Nouvelle Vague (« Ma nuit chez Maud » de Rohmer, « Vivement dimanche ! » de Truffaut, « Les biches » de Chabrol) que par des cinéastes plus classiques estampillés « qualité française » (« Si tous les gars du monde… » de Christian-Jaque, « Le train » de Pierre Granier-Deferre). Mais Trintignant fut aussi une grosse vedette en Italie, où il travailla avec les plus grands (« Le conformiste » de Bertolucci, « Le fanfaron » de Risi, « La terrasse » de Scola) et où il put – sans doute plus qu’en France – s’essayer à des genres très divers comme le western (« Le grand silence »), le giallo (« La mort à pondu un œuf ») ou encore le film de guerre (« Le désert des Tartares »). Ce que l’on sait moins, c’est qu’il s’essaya, un temps à la réalisation. Avec à son actif deux films : « Une journée bien remplie » (1973) et « Le maître-nageur » (1978). Mais sans doute trop décalés et irrévérencieux, ces deux films seront des échecs commerciaux et mettront prématurément un terme aux ambitions de réalisateur de Jean-Louis Trintignant.

« Ne bougez pas si vous ne voulez pas être le deuxième maître-nageur assassiné accidentellement ! »

Drôle de film que ce « Maître-nageur » qui semble commencer comme un conte. Une petite ouvrière du nord de la France, issue d'une modeste famille d'immigrés italiens, tombe amoureuse d'un crooner raté qui court le cachet dans les boîtes minables de province. Mais l'héroïne a des rêves de grandeur. Et surtout de fortune. Ce qui conduira son chevalier servant à accepter n'importe quelle place pour tenter de la satisfaire. Y compris celle de maître-nageur dans la luxueuse villa d'un milliardaire excentrique et mystérieux, se présentant en fauteuil roulant par snobisme autant que par coquetterie. Sans prévenir, le film glisse alors dans la farce la plus absurde. Le héros devant alors se plier aux caprices les plus farfelus de son employeur (comme nager seul dans sa piscine) par l'intermédiaire de son intendant. Jusqu'à participer à un étrange concours d'endurance dans la piscine pour espérer remporter l'héritage de son employeur fortuné. Le tout sous le regard hébété d'un jardinier désabusé campé par Trintignant himself. Derrière son ambiance légère et décalée, « Le maître-nageur » semble ainsi brocarder aussi bien les travers des riches toujours prompts à humilier les petites gens que la cupidité de ces derniers, prêts à toutes les compromissions pour tenter de sortir de leur condition. Si le thème du film rappelle certains drames sociaux américains (on pense notamment à « On achève bien les chevaux »), l’acteur-réalisateur traite néanmoins son sujet à la façon des comédies sociales italiennes (« L’argent de la vieille »), avec une vraie touche d’ironie mordante. Pour l'occasion, Trintignant réunit à l'écran un casting savoureux, largement composé de ses amis à la ville Jean-Claude Brialy (formidable en intendant imprévisible et ), Guy Marchand ou encore Moustache. Quant à Stefania Sandrelli, si celle-ci semble être au départ l'héroïne du film, elle disparaît finalement assez vite du récit, a la surprise générale. Il en ressort au final un film plutôt cocasse, parfois bancal, étonnement immoral et profondément déroutant. Un drôle d'ovni. 

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Le DVD : Le film est présenté en version restaurée 4K numérisée avec l'aide du CNC et proposé en version originale française (Dolby Audio DD).

Édité par les Éditions Montparnasse, « Le maître-nageur » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 14 avril 2022.

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