[CRITIQUE] : Varsovie 83, une affaire d'État

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Jan P. Matuszynski
Avec : Tomasz Zietek, Sandra Korzeniak, Jacek Braciak,…
Distributeur : Memento Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Historique.
Nationalité : Tchèque, Français, Polonais.
Durée : 2h39min
Synopsis :
Varsovie 1983. Le fils d’une militante proche de Solidarność est battu à mort par la police. Mensonges menaces : le régime totalitaire du Général Jaruzelski va tenter par tous les moyens d’empêcher la tenue d’un procès équitable.


Critique :

Dense et volubile, #Varsovie83UneAffairedÉtat ne se fait pas tant un devoir de mémoire sur une affaire qui ne doit pas demeurer dans l'oubli, qu'une sorte d'avertissement sur la situation actuelle toujours sous le joug de la désinformation et de l'ingérence d'un pouvoir oppressif pic.twitter.com/rz0fiMGvui

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 5, 2022

La fin de la Seconde Guerre mondiale n'avait pas encore sonné le glas des douleurs et horreurs subies par une Pologne déjà brisée par le terrible conflit, puisque la population a dû faire face à une menace plus insidieuse et anxiogène : un communisme qui a imposé son étreinte et sa violence sourde sur plus de quatre décennies, le gouvernement laissant libre cours aux attaques vicieuses à la fois contre l'opposition mais aussi contre les partisans du mouvement Solidarność.
C'est au coeur des 80s et de la République populaire de Pologne du général Jaruzelski, que Jan P. Matuszynski pose sa caméra pour mieux nous conter " l’affaire Przemyk " contant l'assassinat du jeune Grzegorz Przemyk, fils de la poétesse et militante anti-communiste Barbara Sadowska, par les soldats du régime communiste, battus à mort (une cinquantaine de coups de matraques dans le dos, les épaules et le ventre, suivi de deux jours d'agonie à l'hôpital) pour s'être opposé à présenter des papiers d'identité.

Copyright Łukasz Bąk


Un meurtre qui sera tout simplement maquillé par le pouvoir en place, en un banal accident dû en grande partie à la négligence de deux infirmiers qui n'avaient évidemment rien à voir dans ce crime.
Une put*** de tragédie humaine qui sert finalement ici de vrai point d'ancrage à une exploration douloureuse et affligeante d'une perversion humaine devenant système dans une nation où les droits humains fondamentaux sont jetés dans le caniveau; un formidable et immersif thriller où le coupable n'est pas tant la bêtise aveugle des hommes, que la vision abjecte du monde qu'ils tolèrent et font perdurer dans la violence.
Odyssée macabre catapultée de l'autre côté du rideau de fer, là où la bassesse et l'inhumanité la plus totale peut arriver à dissimiler la pire des horreurs, le film montre cliniquement et sans le moindre raffinement de la vérité (presque de manière journalistique finalement), la mécanique militaire et judiciaire d'un pouvoir écrasant qui trouve sa légitimité dans la peur et la violence, punissant tout opposant par la force, obligeant des innocents à admettre des crimes qu'ils n'ont pas commis, affamant des familles tout en faisant constamment taire le moindre doute.

Copyright Łukasz Bąk


Dense, fouillé et volubile, Varsovie 83, une affaire d'État ne se fait pas tant un devoir de mémoire sur une affaire qui ne doit pas demeurer dans l'oubli (malgré tous les efforts des forces du régime pour qu'elle le soit), qu'une sorte d'avertissement sur la situation actuelle
d'une Pologne (mais aussi d'une bonne frange de l'Europe de l'est) sous le joug de la désinformation et d'une oppression (restrictions des médias, abus des droits des femmes, la corruption policière et institutionnelle,...) qui pousse le peuple à se soulever contre cette ingérence au pouvoir.
Opposant tout du long le cynisme des autorités à l'impuissance et la paranoïa - totalement légitime - de ses victimes, le second effort de Matuszynski se fait une séance aussi puissante qu'amère sur un mal insidieux, une menace qui impose sa vérité et enferme toute autre notion contraire, que l'on scrute ici au passé sans forcément réaliser qu'elle continue, hors écran, à se conjuguer au présent depuis toujours...
Jonathan Chevrier