La vraie famille

Par Dukefleed
A qui le monopole du coeur?

Une famille unie et aimante, les parents et trois enfants ; si ce n’est que le petit dernier de 5 ans n’est pas le fils de la famille mais un enfant placé par l’aide sociale à l’enfance depuis ses 18 mois. Mais il fait partie intégrante de la famille et a tissé des liens solides avec chaque membre mais encore bien plus fort avec celle qu’il appelle maman tout en sachant très bien qu’elle n’est pas sa mère. Cette dernière est décédée, le père n’était pas en capacité de s’en occuper suite au choc du décès de sa femme ; mais il revient dans le jeu avec l’idée de retrouver la garde de son enfant. La première mission de la mère de substitution est bien remplie, elle s’en occupe comme son enfant ; c’est sur la seconde mission qu’elle doit remplir qu’elle se révèle déficiente. Elle n’est pas préparée au déchirement de se séparer de cet enfant et a donc des difficultés à mettre en œuvre cette transition.

Au cœur du film, le couple mère de substitution/enfant irradie la pellicule de bout en bout. Mélanie Thierry, ultrasensible comme à son habitude, joue une femme à fleur de peau et à chaque plan délivre une puissance émotionnelle hors norme. Pour l’accompagner, le petit Gabriel Pavie du haut de ses 6 ans lui renvoi sans cesse la balle ; pour un film basé sur l’émotion sans être dans le larmoyant ni le pathos. Et cela tient surtout au travail de Fabien Gorgeart. Son scénario, écho à une histoire personnelle, fait la part belle à la réalité d’un métier incroyablement complexe allié à une fiction empruntant toujours un ton juste tout en évitant tout manichéisme. Quand l’amour maternelle devient trop fort, il ne nous met pas un père ignoble en face et évite le piège trop facile type « la vraie famille c’est celle du cœur » ; car la mère de substitution a aussi des dérives qui feront même basculer le film à un moment donné dans une forme de polar. Nous montrer la qualité de vie dans la famille de substitution (pavillon, vacances, ski, une fratrie…) par opposition avec celle qui l’attend avec son père (HLM, pas de vacances, peu de temps qualitatif suite à des journées de travail usantes, pas de fratrie,…) n’est pas tire larme ; mais démontre aussi combien d’enfants placés proviennent de milieux sociaux moins favorisés. Un petit bijou d’écriture qui laisse à des années-lumière les facilités racoleuses du très populaire « La famille Bélier ». Comme quoi on peut faire émouvant grand public tout en restant honnête. Au-delà de l’écriture qui laisse la part belle à tous les personnages gravitant autour de ce duo ; par ses plans séquences et sa caméra parfois au plus proche des visages, Fabien Gorgeart capte toutes les tranches de vie avec beaucoup de tact et de justesse. Certains voient dans ce film des accents spielbergien dans le traitement de l’enfance ; le garçon en serait une forme d’ET ; cette réflexion est intéressante.

Très juste et très émouvant d’autant plus qu’il fait écho à mon histoire familiale ; une de mes tantes n’était pas ma tante mais était placé chez mes grands-parents depuis ses 6 mois, j’ai dû apprendre autour de 9 ans (elle en avait 19) qu’elle n’était pas de « la famille ».

A voir absolument

Sorti en 2022

Ma note: 18/20