Cinéma | THE BATMAN – 12/20

Cinéma | THE BATMAN – 12/20

De Matt Reeves
Avec Robert Pattinson, Zoë Kravitz, Paul Dano

Chronique : Dix ans après la trilogie quasi-parfaite de Christopher Nolan (quasi, car The Dark Knight Rises est quand même en dessous), Warner Bros revisite la part (très) sombre du Chevalier Noir, un réel défi au regard du statut définitif du triptyque porté par Christian Bale. Mais en confiant les rênes de cette nouvelle adaptation à Matt Reeves, qui avait remarquablement ressuscité la franchise de la Planète des Singes, le studio fait le pari d’une large réinvention et d’une nouvelle vision auteuriste.
A l’image, le pari est largement gagné. Reeves déroule une mise en scène impressionnante, déploie des scènes d’action brutales et exténuantes avec virtuosité et des tonnes d’idées qui impactent durablement la rétine, délivrant son lot de plans immédiatement iconiques. Son Gotham City est le plus glauque et poisseux jamais créé, miroir déformant des âmes viles qui le dirigent. Partagé entre architecture gothique et moderne, la ville double-face vous aspire dans des méandres inquiétants et nauséabonds.
Faire de l’homme-mystère le grand méchant du film est une vraie bonne idée. The Batman lorgne ainsi du côté des polars à tiroirs malades et sordides de Fincher (Seven, Zodiac), promettant une enquête sombre et irrespirable. Malheureusement, cette noble intention reste au stade de promesse, et le scénario ne vas pas au bout de son idée. Le jeu de piste morbide imposé par The Riddler s’avère superficiel, peu impliquant pour le spectateur, ses énigmes et leurs résolutions inconséquentes et vite expédiées, sans qu’on nous serve réellement la perversité qu’on pourrait attendre d’un tel personnage.
Le constat est le même pour les intrigues trop caricaturales autour de la mafia, d’un Gotham pourri jusqu’à la moëlle, de ses élites corrompues, qui s’éventent trop rapidement. The Dark knight avait traité le sujet avec beaucoup plus de nuances, produisant un commentaire politique sur notre époque hautement plus subtil et abouti.
Finalement, le sujet principal The Batman est sa propre noirceur, un film-concept vers lequel tous ses éléments constitutifs sont dirigés et compilés pour l’amplifier. De la bande son étourdissante à cette pluie qui tombe sans discontinuer. Le film s’y complait jusqu’à sombrer parfois dans le grotesque et un nihilisme évacuant toute possibilité d’émotion.
L’interprétation de Pattison en pâtit forcément. Sa version punk-grunge du Chevalier Noir, tourmenté et torturé, se heurte aux limites imposées au personnage. Difficile pour l’acteur de varier des deux seules expressions qu’il trimballe (la tristesse et la rage). D’autant que Bruce Wayne n’existe pas dans le film, il s’efface totalement derrière ce Batman novice, limitant de facto la dualité entre le justicier et l’homme public qui a toujours façonné le personnage.
Ce Batman justement s’annonce à ses opposants comme étant « La Vengeance » Mais la vengeance de quoi ? de qui ? Encore une fois, cette phrase (qui sonne bien, certes), est une posture qui sert le ton du film et sa noirceur, sans donner beaucoup plus de background au personnage si ce n’est la perte de ses parents – pas vraiment une nouveauté.
Difficile dans ces cas-là de juger la performance de l’acteur, toujours est-il qu’il est éminemment moins charismatique que Christian Bale ou Michael Keaton.
Sur le reste du casting, Jeffrey Wright fait ce qu’il peut avec ce qu’on lui donne à jouer et Selina Kyle est sans doute le personnage le plus intéressant, Zoé Kravitz ajoutant une fragilité inédite à un personnage qui en montre rarement. En revanche Paul Dano en homme mystère est exaspérant de surjeu et de cabotinage, excellant dans la création de grimaces et de sons gutturaux originaux certes, mais ne traduisant à aucun moment la malice fourbe et diabolique de son personnage.
Et on ne peut pas ne pas évoquer la durée du film. Que c’est long, ça n’en finit pas. Surtout au regard de la faiblesse des enjeux de l’enquête que le scénario étire exagérément alors qu’avouons-le, on n’en a un peu rien à faire.
Malgré des qualités graphiques et esthétiques évidentes, une direction artistique flamboyante et largement au-dessus de la plupart des blockbusters actuels, le contenu est trop léger pour que ce Batman rivalise avec ses deux plus célèbres prédécesseurs.
Mais l’univers est là, fort et singulier. Il est parfaitement possible que ses suites lui permettent de se hisser à leur niveau, avec plus de consistance dans l’intrigue et de relief dans la construction des personnages
Après tout, Batman : Le Défi et The Dark Knight étaient chacun meilleur que l’opus original.

Synopsis : Deux années à arpenter les rues en tant que Batman et à insuffler la peur chez les criminels ont mené Bruce Wayne au coeur des ténèbres de Gotham City. Avec seulement quelques alliés de confiance – Alfred Pennyworth, le lieutenant James Gordon – parmi le réseau corrompu de fonctionnaires et de personnalités de la ville, le justicier solitaire s’est imposé comme la seule incarnation de la vengeance parmi ses concitoyens. Lorsqu’un tueur s’en prend à l’élite de Gotham par une série de machinations sadiques, une piste d’indices cryptiques envoie le plus grand détective du monde sur une enquête dans la pègre, où il rencontre des personnages tels que Selina Kyle, alias Catwoman, Oswald Cobblepot, alias le Pingouin, Carmine Falcone et Edward Nashton, alias l’Homme-Mystère. Alors que les preuves s’accumulent et que l’ampleur des plans du coupable devient clair, Batman doit forger de nouvelles relations, démasquer le coupable et rétablir un semblant de justice au milieu de l’abus de pouvoir et de corruption sévissant à Gotham City depuis longtemps.