[CRITIQUE/RESSORTIE] : J’ai le droit de vivre

[CRITIQUE/RESSORTIE] : J’ai le droit de vivre

Réalisateur : Fritz Lang
Avec : Henry Fonda, Sylvia Sidney, Barton MacLane, Jerome Cowan,...
Budget : -
Distributeur : Swashbuckler Films
Genre : Drame, Policier.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h25minDate de sortie : 28 mai 1937Date de ressortie : 2 février 2022
Synopsis :
Condamné à mort pour un crime qu'il n'a pas commis, un homme, aidé par sa femme, s'évade de prison. Librement inspiré de la vie de Bonnie et Clyde.


Critique :

Odyssée profondément fataliste ou la mort est le seul échappatoire offert à un couple constamment en quête de justice, #JaileDroitdeVivre, Lang sonde la bassesse et la cruauté de l'âme humaine qui conditionne la lente spirale infernale vécue par le superbe tandem Fonda/Sydney. pic.twitter.com/ycoMzKfbBM

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) February 5, 2022

S'il est une évidence pour beaucoup de cinéphiles que le pendant américain de la foisonnante carrière du vénéré Fritz Lang, n'a pas totalement la même grandeur que la première moitié de sa filmographie tournée dans son Allemagne natale, ce constat n'empêche pas cependant de se plonger sans réserve au coeur de ses dits efforts, tant certains méritent décemment le détour.
Second long-métrage en terres US pour le bonhomme après le magnifique Furie, auquel il répond totalement, You Only Live Once - J'ai le droit de vivre par chez nous -, est clairement de ceux-là, une exploration profonde du thème de l'injustice (sans doute suscitée par son départ abrupte d'Allemagne, face à l'avènement grandissant du nazisme) à laquelle il juxtapose des oppositions tendues entre culpabilité et innocence, destinée et libre arbitre, liberté chimérique et réalité cynique, violence et bonheur inaccessible.

[CRITIQUE/RESSORTIE] : J’ai le droit de vivre

Copyright Swashbuckler Films


Plus pessimiste et cauchemardesque encore que le déjà gratiné Furie, le film est vissé sur les atermoiements tragiques d'un homme auquel on refuse toute réinsertion, Eddie Taylor (un Henry Fonda intense, acculé aussi bien devant que derrière la caméra), un criminel éternellement catalogué pour ses erreurs passées et dont la société américaine post-dépression ne veut plus donner la moindre chance (une agressivité citoyenne aveugle et frénétique déjà au coeur de M le Maudit et de Furie).
Engoncé dans une spirale infernale dont il ne peut s'échapper, pas même grâce à la force naïve de son mariage avec la douce Joan (magnifique Sylvia Sydney), il perdra très vite son travail (pour un simple retard), avant d'être outrageusement accusé à tort du braquage d'un camion de banque et du meurtre de plusieurs gardes - ce qui l'emmènera sur la chaîne électrique.
Tellement persécuté par le système et pousser dans ses derniers retranchements (au point de ne même pas avoir confiance en lui, quand on est en passe de me libérer), il s'échappera de prison la veille de son exécution en tuant un aumônier et avant de se lancer avec son épouse enceinte, dans une cavale folle qui ne peut que se finir que dans la tragédie...
Émotionnellement éreintant et profondément fataliste, ou la mort est le seul échappatoire offert à un couple constamment en quête de justice (et auquel on s'attache, même si l'homme n'est décemment pas un enfant de coeur), et qui n'a que son amour pour se protéger de la froideur du monde; avec J'ai le droit de vivre, Lang sonde la bassesse et la cruauté de l'âme humaine qui conditionnent la lente chute vers l'avant d'un tandem aussi proche de Roméo et Juliette (victimes mélancoliques d'un monde plein de haine) que de Bonnie et Clyde.

[CRITIQUE/RESSORTIE] : J’ai le droit de vivre

Copyright Swashbuckler Films


Fusion entre l'expressionnisme allemand et le mélodrame so Hollywoodien, ou la mise en scène puissamment évocatrice du cinéaste ne fait que renforcer l'impression d'inéluctabilité macabre qui étouffe ses protagonistes, le film est une pépite certes pas dénué d'incohérences (notamment dans son dernier tiers sous fond de cavale désespérée), mais qui transcende sa simplicité apparente pour mieux nous happer par sa vision crue mais lucide de l'humanité.
Une (re)découverte essentielle.
Jonathan Chevrier[CRITIQUE/RESSORTIE] : J’ai le droit de vivre