[CRITIQUE] : Les voisins de mes voisins sont mes voisins

Par Fuckcinephiles
Réalisateur/trice : Anne-Laure Daffis et Léo Marchand
Avec les voix de : François Morel, Arielle Dombasle, Carlo Boso, Cyril Couton, Olivier Saladin, Valérie Mairesse, …
Budget : -
Distributeur : Jour2fête
Genre : Animation, Comédie
Nationalité : Français
Durée : 1h30min
Synopsis :
Un ogre casse ses dents la veille de la Saint-Festin, la grande fête des ogres. Un magicien rate son tour de la femme coupée en deux et égare les jambes de son assistante. Un randonneur suréquipé reste coincé plusieurs jours dans un ascenseur. Un vieux monsieur tombe amoureux d’une paire de jambes en fuite. Une maman confie ses enfants au voisin le soir de la Saint-Festin... Dans un immeuble, les destins entremêlés de dix vrais voisins ou voisins de voisins, aux prises avec les drames, les plaisirs, les surprises et les hasards de la vie quotidienne.

Critique :

En s'affranchissant d’une animation uniformisée et d’un récit rodé, #LesVoisinsdemesvoisinssontmesvoisins prend l’idée de proximité comme un style de mise en scène originale et mêle réalité et fiction, perpétuellement en collusion et en confusion. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/IGYHmweV0b

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) February 1, 2022

Premier long métrage pour le duo Anne-Laure Daffis et Léo Marchand avec Les voisins de mes voisins sont mes voisins. Après des courts et moyens métrages, où l’on a pu se frayer un chemin dans la singularité de leur cinéma, les cinéastes nous offrent un généreux et dynamique film, un presque huis-clos décalé et hilarant.
Titre à rallonge à la blague naissante, Les voisins de mes voisins sont mes voisins se place sous le signe des rencontres. Nous retrouvons l'Ogre, porté par la voix de François Morel, personnage du court métrage La Saint-Festin (2007). Il y a aussi Popolo, magicien raté et sa compagne Amabilé. Isabelle, danseuse de flamenco et ses deux enfants. Mr Demy, veuf aux genoux fragiles. Mr Trouducou (attention à la prononciation !) et son chien Picasso. Toute cette bande se retrouve prise au piège, métaphoriquement ou non. Que ce soit d’un ascenseur, de son instinct ou de la société de consommation, les personnages sont confrontés à des problèmes insurmontables sans assistance. Et dans ce microcosme, l’immeuble tout entier, l’aide n’est jamais vraiment celle que l’on cherche désespérément.

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La volonté des cinéastes de décaler les attentes est palpable dès le début. Popolo perd les jambes de sa dulcinée lors d’un tour raté et peu de temps après, il perd son emploi dans le cirque. S’il n’est pas capable de remettre d’aplomb Amabilé, comment peut-il créer de la magie dans les yeux du public ? Les jambes qui se sont fait la malle trouvent refuge dans l’immeuble tandis que Popolo cherche un nouveau travail, à Paul Emploi. Artiste et magicien ? Allez travailler à la boucherie ! La farce n’est pas subtile et critique sévèrement l’agence française de recherche d’emploi, avec un accompagnement inexistant pour les chômeurs en quête d’un nouveau job. Le magicien se retrouve donc sans magie, sa femme sans jambe et l’ogre, habitant au quatrième étage de l’immeuble, se retrouve sans dents à la veille de la Saint-Festin, fête nationale des ogres. Comment manger des enfants sans ses précieuses dents ? Dans un même mouvement, Mr Trouducou, venu déposer ses clefs à une amie avant de partir en trek sur le Mont Chéri, se voit contraint d’attendre les dépanneurs dans l'ascenseur défectueux. Fer de lance du récit, ce personnage (et son chien parlant Picasso) rencontrent alors tous les autres personnages, dans un va et vient endiablé, tandis que chacun continue sa quête. Mr Trouducou, lui, se tient statique dans son minuscule ascenseur de verre, la seule ascension qu’il effectura pendant l’ensemble du film.
Pour caractériser les personnages de ce film choral, Anne-Laure Daffis et Léo Marchand utilisent différentes techniques et différents styles d’animation. Papiers découpés, dessins 2D, maquette 3D, images d’archives, canevas en laine, prise de vue réelle, … permettent à chaque élément du décor de raconter l’histoire des personnages et leurs émotions. La laine dans l’appartement de Mr Demy illustre à la fois son âge et sa solitude. Les carreaux du papier où sont dessinées les scènes chez le dentiste figurent la froideur du lieu et l’envie de ne pas s’y attarder. Les scènes dans la cave sont constituées à l’aide d’un écran d’épingles, pour accentuer le noir profond de ce lieu, où le vieux monsieur découvre une compagne des plus originales : les fameuses jambes libérées de leur corps. Le récit s’amuse à se détourner lui-même et à créer du suspens là où le public pense avoir tout compris et tout analysé correctement. Le rire se niche dans ce décalage sans cesse renouvelé et dans cette animation hétéroclite. Le film ne se repose jamais et déploie un véritable dynamisme dans son montage. Difficile de s’ennuyer !

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En s'affranchissant d’une animation uniformisée et d’un récit rodé, Les voisins de mes voisins sont mes voisins prend l’idée de proximité comme un style de mise en scène originale et mêle réalité et fiction, perpétuellement en collusion et en confusion. Les chiens parlent, Ladi Di existe encore et les Ogres se mêlent aux humains. Il ne faut pas chercher la raison de cette histoire mais plutôt se laisser porter par cette proposition singulière d’un cinéma libre de toute contrainte.
Laura Enjolvy