[CRITIQUE] : Bloodthirsty

Par Fuckcinephiles

Réalisatrice : Amelia Moses
Avec : Lauren Beatty, Greg Bryk, Katharine King So,..
Budget : -
Distributeur : Shadowz
Genre : Épouvante-horreur.
Nationalité : Canadien.
Durée : 1h24min
Synopsis :
Gray est chanteuse. Et rêve qu'elle est un loup. Lorsqu'elle reçoit une invitation à travailler avec le célèbre producteur de musique Vaughn Daniels dans son studio isolé dans les bois, elle commence à découvrir qui elle est vraiment.


Critique :

En scrutant de manière organique les monstres tapis en chacun de nous, #Bloodthirsty pose la question de la nécessité ou non, de les laisser s'exprimer. Trop de répression et nous perdons nos identités, mais trop d'émancipation et c'est le loup en nous qui prend le contrôle... pic.twitter.com/tg7OvnKd48

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) February 1, 2022

Si la lutte intime d'un/d'une artiste lors d'un processus créatif est souvent assimilée à une grossesse ou l'accouchement serait l'incarnation d'un produit fini, elle peut tout autant s'apparenter à quelque chose de plus bestial, une sorte d'exploration sombre d'un soi refoulé, d'un " monstre " qui est en soi et qui s'exprime à mesure que l'on se jette sans la moindre réserve, dans son art.
L'agitation intérieure - parfois douloureuse mentalement et physiquement -, le doute de soi et la frustration souvent inévitable sont tant de terreaux fertiles à de potentiels traumatismes, qu'ils peuvent amener une âme à totalement se perdre dans sa démence, ou son côté obscur.
C'est par cette parabole originale, les sombres découvertes sur soi et la création musicale troublée, que la cinéaste montréalaise Amelia Moses entend revisiter le mythe du loup-garou avec son second effort, Bloodthirsty, qui n'est pas sans rappeler (toute propension gardée) avec son point de vue féminin, une autre odyssée lycanthrope canadienne : le merveilleux Ginger Snaps de John Fawcett.

Courtesy of Brainstorm Media


Vissé sur une musicienne qui explore sa férocité intérieure au contact d'un producteur célèbre qui l'isole du monde pour mieux insidieusement l'enfermer dans une relation professionnelle toxique - malgré les alertes de sa compagne - et ainsi exciter ses instincts primaires, la péloche, pas si éloigné du Grave de Julia Ducournau (l'idée d'une sauvagerie et de pulsions subconscientes refoulées, habitant l'être d'une jeune femme repoussant vainement une métamorphose qui menace constamment d'exploser en elle) jusque dans son introduction mordante, se fait l'union tourmentée des hantises psychologiques, de la guérison extérieure et de la rupture avec la conformité docile d'une âme - littéralement - affamée, à mesure qu'elle se réconcilie avec elle-même et qu'elle épouse pleinement sa liberté d'expression - et pas uniquement artistique.
Si l'aspect conventionnel de sa mise en scène ne transcende jamais vraiment sa narration certes familière mais aux thématiques fascinantes (l'aliénation artistique côtoie les bouleversements du corps, la perversité insidieuse du milieu artistique la créativité bestiale), Moses rattrape aisément le coup grâce à une direction d'acteurs au poil (la performance de Lauren Beatty est aussi physiquement que vocalement percutante), et un questionnement central fascinant.
En scrutant de manière organique les monstres tapis en chacun de nous, la cinéaste pose la question de la nécessité ou non, de les laisser faire surface de temps en temps.Trop de répression et nous perdons peu à peu nos identités, mais trop d'émancipation et c'est le loup en nous, qui prend définitivement le contrôle...
Jonathan Chevrier