[CRITIQUE] : Little Palestine, journal d’un siège

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Abdallah Al-Khatib
Avec : -
Distributeur : Dulac Distribution
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Libanais, Français, Qatarien.
Durée : 1h29min
Synopsis :
Suite à la révolution syrienne, le régime de Bachar Al-Assad assiège le quartier de Yarmouk (banlieue de Damas en Syrie), plus grand camp de réfugiés palestiniens au monde. Yarmouk se retrouve alors isolé et le réalisateur témoigne des privations quotidiennes, tout en rendant hommage au courage des enfants et des habitants du quartier.


Critique :

Avec un regard vif et acéré, #LittlePalestineJournaldunsiège se fait un documentaire incroyablement déchirant et vivant, une tragédie humaine terrible prenant les contours d'un condensé de vie et de cinéma où l'espoir parvient toujours à trouver son chemin, même au coeur du chaos pic.twitter.com/uVJU7IgGSj

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 18, 2022

Même s'ils émaillent parfois les reportages - déshumanisants voire même profondément sentencieux - de nos journaux télévisés, nous ne pouvons jamais réellement savoir à quoi ressemble réellement la vie au coeur d'un camp de réfugié, puisque nous ne faisons que l'imaginer à distance.
En ce sens, le cinéma peut - et cela même avec une vision subjective -, nous en apporter un condensé, comme toute chose, si tenté qu'un cinéaste décide d'en faire le sujet de son effort.
Comme Abdallah Al-Khatib qui, avec Little Palestine, journal d'un siège, signe un documentaire essentiel et nécessaire qui, évitant toute intention didactique, se concentre sur l'homme et sa propension naturelle à survivre même au coeur du chaos.
Ainsi, muni d'une petite caméra numérique, le réalisateur, réfugié parmi les réfugiés, a déambulé pendant près de trois ans dans les rues désertes de Yarmouk, pour capter la vérité du quartier de Damas qui abritait le plus grand camp de réfugiés palestiniens depuis la fin des années 50.

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Si au début du siècle, plus de cent mille âmes y vivaient, ce nombre a chuté de façon spectaculaire depuis 2013 et la guerre civile entre l'Armée syrienne libre (et ses alliés) et les forces pro-gouvernementales, qui n'ont cessés d'assiéger la région.
Au point que le camp n'existe plus à l'heure même, ou le documentaire atteint nos salles obscures hexagonales (il a disparu en 2018)...
Si la guerre civile en Syrie a donné naissance à certains des documentaires les plus déchirants de récente mémoire, des oeuvres incroyables tels que Les Derniers Hommes d'Alep de Feras Fayyad et (surtout) Pour Sama de Waad Al-Kateab et Edward Watts, et auxquelles il faudra intimement ajouté le premier effort d'Al-Khatib, qui connaît sans doute mieux que n'importe quel autre wannabe cinéaste, le cadre et le quotidien de Yarmouk (il y est né et travaillait comme coordinateur des activités de l'ONU depuis le début de la guerre).
À l'aide d'une caméra héritée d'un ami, Hassan Hassan, arrêté et tué sous la torture, il captera silencieusement le poul d'une cité éprouvée et littéralement à l'agonie, tout autant que les visages plein de détresse d'hommes, de femmes et d'enfants tiraillés par la peur et la famine, mais qui cherchent continuellement un sens dans chaque jour que Dieu fait, pour continuer à survivre et garder un semblant de moral.

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Avec un regard toujours vif et acéré, Little Palestine, journal d'un siège se fait un documentaire incroyablement déchirant et vivant à la fois, une tragédie humaine terrible prenant les contours d'un condensé de vie et de cinéma où l'espoir parvient malgré tout toujours à trouver son chemin, même au coeur de la plus difficile des survies (que ce soit dans la résistance, dans la musique, dans la culture - alimentée sans relâche - ou même dans une tentative d'être là pour son prochain).
Surtout auprès des enfants, trouvant leur salut dans l'exercice constant du raisonnement rationnel et d'une conscience politique et sociale exceptionnelle.
Le réalisateur s'immerge complètement dans leur monde, les incitant à réfléchir sur la réalité qu'ils vivent ou encore sur ce qu'ils feraient pour changer la situation, et leurs réponses sont d'une justesse et d'une clarté qui ne devraient pas appartenir à leur âge si innocent...
Jonathan Chevrier