Kuessipan

Par Dukefleed
L'amitié sans réserve

Loin du Canada de Xavier Dolan, ce film nous transporte dans la culture inuit à travers une tranche de vie de deux amies vivant dans une réserve indienne. Solaire, musical, riche de thématiques, politique ; il prend le temps de s’offrir à nous pour deux heures de plaisir intense. Parents et enfant de 13 ans 1/2 , tous conquis par cette histoire qui démontre combien il est compliqué d’acquérir sa liberté. Magnifique.

Carine Trenteun en fait une critique tellement juste : « Au nord du Québec, Mikuan et Shaniss sont deux fillettes de la communauté innue. Elles vivent dans la réserve de Uashat, baignant la baie des Sept Îles. Mukuan grandit dans une famille aimante, où trois générations cohabitent sous le même toit. C’est tout le contraire pour Shaniss : retirée à sa mère, elle est placée chez une tante à Maliotenam, autre réserve distante d’une vingtaine de kilomètres, surplombant la falaise. Mukuan parcourt seule, de nuit, ce long chemin pour rejoindre Shaniss : les deux amies se promettent de ne jamais se quitter. Adolescentes, leurs aspirations semblent pourtant les éloigner. Si Shaniss (Yamie Grégoire) a arrêté l’école et a fondé une famille, Mikuan (Sharon Fontaine-Ishpatao), bonne élève et éprise d’écriture, tombe en amour avec un « blanc », Francis (Étienne Galloy), et aspire à poursuivre ses études en dehors de la réserve…

Pour son adaptation au cinéma, l’autrice et la réalisatrice Myriam Verreault ont co-écrit le scénario et imaginé ces deux amies pour porter la narration. Tout le charme et la force du roman se retrouvent dans le film. Mikuan et Shaniss incarnent un questionnement prégnant de la vie dans la réserve, principalement chez les plus jeunes : partir ou rester ? Tout est ici question de frontière et donc de liberté. En reprenant des extraits poétiques du livre en voix off (dont les inoubliables neuf lignes qui débutent par « j’aimerais que vous la connaissiez, la fille au ventre rond »), Kuessipan nous révèle la complexité intime de cette décision, entre attachement aux traditions et risque du repli identitaire. Il dresse également un portrait d’une sincère douceur – ponctué de jolies touches d’humour – de cette communauté, dans laquelle l’entraide et la solidarité transcendent les conséquences de la pauvreté et du désœuvrement. À la dureté des sujets abordés, la réalisatrice Myriam Verreault propose une mise en scène sobre, d’une grande efficacité. Le montage habile rend imperceptibles les ellipses temporelles. Révélés par le regard bienveillant de la cinéaste, les personnages – interprétés par des acteurs innus non-professionnels – et leur complicité irradient cette fresque lumineuse et optimiste. »

Et encore une claque de l’année 2021, qui est bien plus qu’un film du monde.

Sorti en 2021

Ma note: 18/20