Les amants traqués

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Rimini Éditions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Les amants traqués » de Norman Foster.

« Je n’ai pas de place dans ta vie, je ne veux pas faire ton malheur. »

Un vétéran américain de la Seconde Guerre mondiale se réadapte difficilement à la vie civile. Son séjour dans un camp de prisonniers l'a profondément marqué. A Londres, il tue accidentellement un homme dans un pub et, au cours de sa fuite, rencontre une infirmière qui le fera travailler dans son hôpital. Mais un maître-chanteur survient. Il se montre très entreprenant avec l'infirmière qui le poignarde. Le couple se lance alors dans une fuite éperdue...

« Qu’ai-je fait de toi ? »

Venu au cinéma sur le tard après une première carrière d’acrobate de cirque, Burt Lancaster se révèle au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et s’impose en l’espace d’une poignée de films (« Les tueurs » de Siodmak en 1946, « Les démons de la liberté » de Dassin en 1947, « Raccrochez, c’est une erreur » de Stevenson en 1948) comme une icône montante du film noir. Profitant de ce succès naissant, il décide alors de monter sa propre société de production pour se donner la liberté de choisir ses rôles. Son premier projet sera ainsi « Les amants traqués » en 1948, adaptation du roman éponyme de Gerald Butler publié huit ans plus tôt. D’abord proposé au cinéaste de ses débuts, Robert Siodmak, la réalisation du film est finalement confiée à Norman Foster, un ancien acteur passé à la réalisation au milieu des années 30 connu notamment pour ses collaborations avec Orson Welles (« Voyage au pays de la peur ») et pour ses sagas policières (« M. Moto » et « Charlie Chan » principalement).

« Désormais, toute lumière est une voiture de police et toute ombre un policier. Mais plus personne ne nous arrêtera plus. »

Il suffit parfois d’une seconde ou d’une rencontre pour faire basculer une vie. Dans le bon comme dans le mauvais sens. Pour Bill Saunders, vétéran revenu traumatisé de la guerre, ce sera la rixe de trop dans un bar : un coup de poing malencontreux aura tôt fait de faire de lui un assassin. Et de le plonger dans une spirale criminelle infernale. Une plongée dans les ténèbres dont la seule lumière viendra de sa rencontre avec une jeune et douce infirmière. A rebours des films noirs habituels, « Les amants traqués » se distingue par sa farouche volonté de refuser toute forme de déterminisme. A commencer par l’idée reçue selon laquelle l’être humain nait bon ou mauvais et que rien ne saurait le faire dévier de sa trajectoire. Au contraire, à l’issue d’une intrigue particulièrement sombre et haletante (formidables scènes, comme celle de la séance des coups de fouet ou celle du faux braquage du camion), il imagine même la possibilité d’une rédemption par l’amour. Un amour dont les personnages ne sortiront cependant pas indemnes, puisque la belle infirmière se verra elle aussi souillée par le passé violent du héros, l’obligeant malgré elle à se compromettre. En creux, « Les amants traqués » est aussi un formidable témoignage social de cette Angleterre exsangue du lendemain de la guerre frappée par les pénuries, les violences et les trafics (ici de médicaments). Une œuvre marquante, terriblement âpre, mais d’une profonde humanité.

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Le DVD : Le film est présenté en version restaurée dans un Master 2k et proposé en version originale américaine (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de « À la genèse de la légende Lancaster » : interview de Christian Viviani, professeur émérite, Université de Caen (21 min.) ainsi que d’une Bande-annonce.

Édité par Rimini Éditions, « Les amants traqués » est disponible en combo blu-ray + DVD, incluant le livret « Crime et châtiment » écrit par Christophe Chavdia (24 pages), depuis le 5 octobre 2021.

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