L'évènement

L'évènementPlaidoyer incarné

Comme à mon habitude, j’arrive dans la salle sans trop rien connaitre du film… En fait je pensais qu’il s’agissait d’une histoire d’abus sexuel. Lion d’Or à Venise, les notes spectateurs et critiques d’Allociné unanimes pour dire que c’est un grand film, et hop m’y voici.

De fait, j’ai mis un certain temps à savoir quel était le thème et surtout j’avais du mal à situer l’époque. Et c’est de là qu’est arrivé mon premier choc du film. Cette histoire se déroule en 1963. Audrey Diwan livre une projection dystopique du roman d’Annie Ernaux et démontre que la lutte des femmes à disposer de leur corps est toujours d’actualité ; que rien n’est jamais gagné. Second choc le thème, le mot avortement, mot tabou de cette France engoncée, n’est jamais prononcé ; donc on comprend tardivement le thème du film. En tant qu’homme, nous pourrions nous sentir spectateur de cette histoire de femme seule luttant pour agir selon sa volonté et non selon des règles patriarcales. Cette histoire, par son universalité emportera aussi bien les hommes que les femmes ; ce film est profondément politique mais surtout très incarné. Comme les Dardenne suivant « Rosetta », Anamario Vartolomei est de tous les plans, filmée caméra à l’épaule. Enserrée dans un 4/3 pertinent, elle n’a pas d’issue, nous serons de toutes ces espérances, décisions, désillusions. Nous percevrons chaque souffle, chaque regard de cette jeune femme seule devant faire des choix cruciaux pour elle sans pouvoir en parler à personne pas même à ses proches. Cette solitude frappe à chaque instant ; Audrey Diwan gagne la bataille de donner corps à son combat ; et sa jeune actrice l’y aide à merveille par une présence forte de bout en bout. Récit viscéral et puissant, Audrey Diwan tient un récit au cordeau millimétré et nous plonge avec force dans l’étouffante bataille anxiogène que livre son héroïne. Elle ne nous laisse jamais respirer, car, grâce à son dispositif, on vit avec elle, on ressent ce qu’elle ressent ; même un homme… et çà peu de film parviennent ce tour de force.

Une grande réussite formelle et politique car jamais donneuse de leçon ou moralisatrice ; un incontournable de l’année cinématographique.

Sorti en 2021

Ma note: 20/20