[CRITIQUE] : Le Diable n’existe pas

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Mohammad Rasoulof
Avec : Ehsan Mirhosseini, Shaghayegh Shourian, Kaveh Ahangar,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Allemand, Tchèque, Iranien.
Durée : 2h32min
Synopsis :
Iran, de nos jours. Heshmat est un mari et un père exemplaire mais nul ne sait où il va tous les matins. Pouya, jeune conscrit, ne peut se résoudre à tuer un homme comme on lui ordonne de le faire. Javad, venu demander sa bien-aimée en mariage, est soudain prisonnier d’un dilemme cornélien. Bharam, médecin interdit d’exercer, a enfin décidé de révéler à sa nièce le secret de toute une vie. Ces quatre récits sont inexorablement liés. Dans un régime despotique où la peine de mort existe encore, des hommes et des femmes se battent pour affirmer leur liberté.


Critique :

Oeuvre rageuse, éloquente et essentielle sur l’insoumission au pouvoir en place, #LeDiableNexistePas bouscule et critique sans prendre de gants le système judiciaire iranien et son impact dévastateur autant sur la société que sur ceux qui sont envoyés pour faire appliquer la loi. pic.twitter.com/yEaiPcKQS3

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) December 2, 2021

Dans une Iran ou la dureté des sanctions économiques et politiques, censées punir le régime pour son refus de se conformer aux politiques internationales, est devenue un fardeau écrasant pour ses habitants; le cinéma iranien lui, profite de ce contexte difficile pour régler ses comptes et dégainer des vérités de plus en plus implacables, aussi bien que signer des oeuvres d'une radicalité rare sur les injustices sociales qui gangrènent son cadre.
S'inscrivant pleinement dans ses deux vérités et réalités, Le Diable n'existe pas de Mohammad Rasoulof, conçu tout du long sous le joug malgré des restrictions imposées par les autorités iraniennes, mais surtout sous la menace constante d'emprisonnement, est plus qu'un simple acte de rébellion et de courage cinématographique : c'est un témoignage puissant et édifiant de l'esprit inébranlable de lutte pour la défense de la liberté d'expression et des droits fondamentaux que tout être humain mérite, un droit à l'autonomie de pouvoir prendre des décisions personnelles sans etre frappé par la crainte de représailles, un droit de condamner les normes impitoyables et archaïques des régimes autoritaires.

Copyright Pouyan Behagh / Pyramide Distribution


Articulé autour de quatre histoires (tournées en semi-clandestinité) prenant la forme d'anthologie, le film offre un regard impartial sur la peine de mort en Iran, l'explorant sous différents angles, perspectives et même écarts de génération, le cinéaste laissant la lourde mais essentielle tâche au spectateur, de juger ou non de la responsabilités des actes des personnages, nous catapultant au coeur des nombreux et complexes dilemmes moraux auxquels ils sont tous confrontés, pour mieux nous interroger sur la racine du mal - dont le titre fait instinctivement référence - et les fondements de la nature humaine.
Dans le premier segment du film, nous observons en détail la routine quotidienne de Heshmat, un père de famille soucieux du bien-être de sa femme et de sa fille qui, à première vue, incarne le modèle même de la famille iranienne lambda, au train de vie pieu et modeste, avant que Rasoulof ne redistribue les cartes et dévoile la part d'ombre du bonhomme, celle qui consume lentement l'âme et la conscience.
Fustigeant la moindre lueur d'espoir de ses destins animés en leur assénant une pluie de coups durs dont ils peineront tous à se relever, les trois autres segments arpentent plusieurs facettes d'un même sujet - le service militaire obligatoire de deux ans -, au travers des aléas d'un jeune homme qui cherche à échapper au service militaire et à s'échapper d'Iran avec sa petite amie, le conflit interne d'un militaire dont l'enthousiasme à se fiancer avec sa fiancée est éclipsé par un intense sentiment de culpabilité; mais aussi et surtout celui de Darya, de retour au pays pour renouer avec un couple de vieux amis de son père, qui ont caché une vérité sombre pendant plusieurs décennies.

Copyright Pouyan Behagh / Pyramide Distribution


Oeuvre éloquente, essentielle, provocatrice et courageuse qui critique sans prendre de gants, le système judiciaire iranien et son impact autant sur la société que sur ceux qui sont envoyés pour faire appliquer la loi - et leurs familles -, Le Diable n'existe pas est une réflexion puissant sur le mal et ce qui est considéré comme tel, sondant comment certaines âmes ne sont pas mauvaise par nature, mais seulement les seulement martyrs de régimes pervers et déshumanisants, les obligeant parfois aux pires extrémités pour survivre.
Une survie aux douloureuses saveurs infernales, tant ceux qui " suivent le système ", sans exprimer leur opinion ni remettre en cause le statu quo, ont tous du sang sur les mains et doivent éternellement vivre avec le souvenir de leur actes barbares tiraillant leurs consciences.
Jonathan Chevrier