[CRITIQUE] : Encanto, la fantastique famille Madrigal

Par Fuckcinephiles
Réalisateur⋅trices : Byron Howard, Jared Bush et Charise Castro Smith
Avec les voix originales de : Stephanie Beatriz, John Leguizamo, Wilmer Valderrama, ...
Distributeur : The Walt Disney Company France
Budget : -
Genre : Animation, Famille, Fantastique, Comédie
Nationalité : Américain
Durée : 1h43min
Synopsis :
Dans un mystérieux endroit niché au cœur des montagnes de Colombie, la fantastique famille Madrigal habite une maison enchantée dans une cité pleine de vie, un endroit merveilleux appelé Encanto. L’Encanto a doté chacun des enfants de la famille d’une faculté magique allant d’une force surhumaine au pouvoir de guérison. Seule Mirabel n’a reçu aucun don particulier. Mais lorsque la magie de l’Encanto se trouve menacée, la seule enfant ordinaire de cette famille extraordinaire va peut-être se révéler leur unique espoir…
Critique :

Même s'il est un pur produit Disney, #Encanto se démarque notamment via une réflexion intime sur la famille et le sens de la communauté, qui fait sens avec le lieu et la culture qu'il représente autant qu'elle est suffisamment universelle pour qu'on s'y retrouve. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/CaDrUn03nE

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) November 24, 2021

Décidément, Lin-Manuel Miranda est partout ! Alors que son long métrage, Tick Tick … Boom ! vient de sortir sur Netflix, il est revenu vers Disney pour y composer les chansons de Encanto, la fantastique famille Madrigal. Réalisé par Byron Howard (Zootopie), Jared Bush (Vaina) et Charise Castro Smith (The Haunting of Hill House), la firme aux grandes oreilles nous emmènent dans une Colombie colorée et magique où la famille Madrigal règne sur un petit village, protégé par leur magie.
Alors que le dernier film de la branche Disney, Raya et le dernier dragon, peine à s’accrocher dans notre mémoire (sorti pourtant il y a moins de six mois), le soixantième film du studio fête également le retour des films d'animation de la branche au cinéma. Soul, Luca et le film cité précédemment ont tous dû être sacrifiés sur l’autel de la SVOD à cause de la pandémie, Encanto et son univers enchanté peut, lui, jouir sainement des grands écrans. Son budget est pourtant moindre (deux fois moins que celui de Raya) mais la direction artistique n’en pâtit pas, au contraire. Le film est une explosion de couleur et d’idées, dans des numéros musicaux endiablés.

Copyright Walt Disney Germany


Disney délaisse les princesses et permet à son héroïne principale, Mirabel d’exprimer d’autres émotions. La magie n’est pas une source de souffrance, comme dans La Reine des Neiges, et apparaît comme un véritable miracle. Chaque membre de la famille est alors encouragé à explorer cette magie, afin d’aider les membres de la communauté du village, dirigée par Abuela Alma. Les dons se manifestent dès l’enfance dans la famille, à l’issue d’une cérémonie où la maison (véritable entité vivante) ouvre un nouvel espace aux couleurs et à l’univers semblables à la personne qui reçoit le pouvoir. En apparence, les Madrigal sont des gens bienveillants, acceptant les particularités de tous et toutes. Mais est-ce vraiment le cas ? Il ne faut surtout pas parler de Bruno (“silencio Bruno” nous disait déjà les personnages de Luca), l’oncle mystérieux de la famille, qui avait le triste pouvoir de voir l’avenir. Et Mirabel, notre héroïne, n’a pas reçu de pouvoir lors de sa cérémonie, plongeant sa grand-mère dans le désarroi le plus total. Pas question d’en parler cependant ! La famille Madrigal à un statut à conserver. Pas un statut social, mais plutôt un statut symbolique, une image à perpétuer. C’est le miracle qui a créé le village, la maison vivante et les pouvoirs. C’est cette magie qui entretient le mythe et plonge chaque habitant dans la félicité la plus totale. Il est hors de question de parler de malheur, de voir les failles et les craquelures autour. Mirabel est une anomalie, bien qu’elle fasse tout pour continuer à mériter sa place dans la famille. Peut-on voir la famille Madrigal comme une métaphore de Disney ? Ce monde qui apporte une joie éternelle, de la magie, des paillettes dans les yeux des enfants, où il ne faudrait surtout pas parler de la face sombre de cette industrie (les accusations de harcèlement sexuel, le whitewashing, l’acceptation de la différence quand cette différence est lissée et pas trop nuisible, etc …) Cette analyse ne peut aller bien loin, Encanto étant un pur produit Disney, pourtant on ne peut fermer les yeux face au dédoublement de la firme, entre une volonté de se soustraire à l’uniformité tout en installant sa propre uniformité au reste du monde.
Mais Encanto détient tous les éléments qui font le sel d’un bon Disney : une animation fascinante, qui nous en met évidemment plein les yeux, une bonne dose de chansons entraînantes, composées par Lin-Manuel Miranda et pas Germaine Franco (tient, une femme en chef de poste, alors qu’il y a déjà une femme à la réalisation et au scénario ? Les miracles existent bel et bien chez Disney !) et une émotion réelle, prompte à embuer les yeux. Parce que le récit se forme dans un huis-clos, une casita qui déménage, le récit permet d’installer une réflexion intime sur la famille et le sens de la communauté ; qui fait sens avec le lieu et la culture que le film représente (la Colombie) ; mais qui comporte suffisamment d’universalité pour que le plus grands nombres se retrouve dans les personnages dépeints.

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Il y a presque du non-spectaculaire dans la façon dont le climax prend place, privilégiant l’émotion à l’action. Pas de guerrières badass, de princesses débordant d’énergie ou de revendication, mais juste une simple jeune femme découvrant sa place dans sa communauté. On peut voir dans Encanto une non-prise de risque par un studio fatigué d’enchanter le public ou au contraire y voir une volonté de présenter la magie “à l’ancienne”, dans des numéros chantés onirique et démonstratif. À vous de choisir votre camp.
Laura Enjolvy