The French Dispatch

The French DispatchNi ennuyé, ni blasé

Quand meurt le rédacteur en chef du « French Dispatch », magazine français à destination des américains, les journalistes décident de produire un dernier numéro exceptionnel. Et ce sont trois articles du journal qui donneront lieu à trois moyens métrages.

Wes Anderson, le plus francophile des réalisateurs américains, pour cet hommage ou regard ironique sur la culture française, situe son film dans l’improbable commune d’Ennui-sur-Blasé, çà ne s’invente pas. En fait, le film a été tourné à Angoulême et Wes s’en explique : « J’ai choisi Angoulème parceque cette ville est préservée dans une bulle intemporelle. Il y avait peu de choses à faire pour lui donner un aspect magique ». Dans ce dixième opus du maître texan du cadrage sophistiqué, on retrouve toujours les mêmes marottes à chaque plan aussi bien au niveau des coloris vifs que du jeu figé des acteurs que des mouvements de caméras mécaniques ; on pourrait être blasé mais que nenni, on pourrait frôler l’ennui, loin de là. Devant tant de beauté formelle et d’inventivité, les pisses froids peuvent faire la fine bouche devant cette redite, mais devant un tel talent on s’incline. Son récit fragmenté rend ses personnages plus anecdotiques que dans les films précédents, sa narration inutilement complexe peut perdre parfois le spectateur, son cinéma littéraire en mouvement où l’œil qui lit devient l’œil qui regarde l’écran peut épuiser. Oui, ce n’est pas son meilleur, cependant c’est un des meilleurs films de l’année. Son geste à la Tati dans l’approche burlesque de son sujet flirte avec le romanesque et çà nous émerveille. Ici il use aussi de polychrome, de noir et blanc et même de dessin animé ; on ne peut pas dire qu’il choisisse la facilité même dans une forme de répétition de son art. Et pour finir, il s’appuie sur un casting trois étoiles, fruit d’une sélection exceptionnelle des deux côtés de l’atlantique. Et même dans les figurants, bon nombre de comédiens français sont venus faire une pige ; un film de Wes Anderson, il fallait en être. Vu une fois, mais vu la richesse à voir et à entendre, déjà pressé de le revoir.

Sorti en 2021

Ma note: 18/20