La voix d'Aïda

La voix d'AïdaCa s'est passé près de chez vous

On a fini par oublier cette satanée guerre à nos frontières entre serbes et bosniaques à la fin du XXème siècle. Une guerre ponctuée de massacres et même d’un génocide perpétré par l’armée serbe dont le plus célèbre reste celui de Srebrenica orchestré par le boucher les Balkans, le Général Mladic.

Au travers des yeux d’une bosniaque mère de deux grands garçons, la réalisatrice Jasmila Zbanic va nous immerger au cœur des organes de décision dysfonctionnels qui ont conduit à ces massacres. Aïda, professeur reconvertie en traductrice pour les forces onusiennes sur place, est le relais entre la population bosniaque musulmane opprimée, l’ONU et le spectateur. Elle est nos yeux et nos oreilles dans tout ce qui a très vite les accents d’un drame annoncé. Elle comprend très vite ce qui se passe mais est impuissante, elle est la bouche et les oreilles entre Mladic et le Général impuissant des forces internationales. Et me revient très tôt en tête le qualificatif utilisé en son temps par De Gaulle pour nommer le gendarme du monde : « Le machin ». A quoi sert le machin aux moyens limités et tiraillé entre les alliances politiques parfois radicalement différents de ses membres ; et bien ce film nous donne une réponse cinglante à cette question : « à rien ». Impuissant devant Mladic, fort avec les faibles et faible avec les forts ; l’ONU ne répond même pas à un engagement de base, protéger les populations civiles. On connait l’Histoire, mais c’est toujours par la petite histoire que l’on perçoit toujours mieux les enjeux d’une situation parfois complexe. La réalisatrice en choisissant comme personnage principal une interprète fait un choix scénaristique fort et plein de malice qui permet de nous immerger au plus près de l’Histoire tout en évitant tout pathos et reconstitution morbide. Sa construction est simple, sans emphase, sans grande originalité ; très linéaire mais fichtrement efficace. Elle cherche à faire passer un message fort sur l’absurdité des conflits et y parvient. Elle montre des gens qui vivaient jusqu’alors ensemble dans les mêmes villages, musulmans et chrétiens, en harmonie ; mais une communauté finie par vouloir exterminer l’autre. Un film coup de poing indispensable pour continuer à éclairer l’esprit de fraternité au-delà des différences qui a tendance à fuir nos pays.

Sorti en 2021

Ma note: 16/20