[CRITIQUE] : Oray

[CRITIQUE] : Oray
Réalisateur : Mehmet Akif Büyükatalay
Acteur : Zejhun Demirov, Deniz Orta, Cem Göktas,...
Distributeur : Urban Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Allemand, Turc.
Durée : 1h37min
Synopsis :
Lors d’une dispute, Oray répète trois fois le mot talâq à sa femme Burcu ce qui, dans la loi islamique, signifie la répudiation. Fervent pratiquant, il va chercher conseil auprès de l’imam de sa ville qui lui impose une séparation de trois mois. Il profite de cette décision pour partir vivre à Cologne et y construire une nouvelle vie pour Burcu et lui. L’imam de sa nouvelle communauté, ayant une vision plus rigoriste de la loi islamique, lui intime de divorcer. Oray se retrouve alors tiraillé entre son amour pour sa femme et sa ferveur religieuse.

Critique :

Alternant entre le récit initiatique et identitaire poignant d'un homme complexe et le portrait fascinant d'une communauté confronté à la difficulté de l'intégration au coeur de la société allemande,#Oray est un drame social prenant et percutant, proche du ciné de Cristian Mungiu pic.twitter.com/PhrkdWEAzP

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) October 28, 2021

En amour, tout n'est qu'une question de petits détails plus ou moins impactant les uns des autres, dans le bon comme dans le plus dramatique sens du terme; soit peu ou prou ce que démontre le très réussi Oray, premier long-métrage écrit et réalisé par le cinéaste germano-turc Mehmet Akif Büyükatalay (et même son film de fin d'études), primé à la Berlinale cuvée 2019.
Ce petit détail ici, c'est un mot que le protagoniste principal de l'histoire, Oray, prononce à sa femme Burcu, sous le coup de la colère : talâq qui, dans la loi islamique, signifie la répudiation et selon le nombre de fois où il a été prononcé, le divorce pur et simple devant Allah.
Conseillé par l'imam de sa ville, qui lui impose une séparation de trois mois, Oray part vivre à Cologne dans l'espoir de pouvoir construire une nouvelle vie aussi bien pour lui, que pour la femme qu'il aime malgré ses malheureuses paroles.
Mais l'imam de sa nouvelle communauté, dans laquelle il se sent merveilleusement bien et enfin à sa place, lui intime de purement et simplement divorcer...

[CRITIQUE] : Oray

Copyright Urban Distribution


Premier effort à la narration foisonnante, alternant entre le récit initiatique et identitaire puissant d'un jeune homme complexe et troublé dont toute la vie a été conditionné par les limites de sa religion et de son statut social (il est de la deuxième génération de sa famille, issu de l'immigration turque en Allemagne), et le portrait fascinant d'une communauté confronté à la difficulté de l'intégration au coeur de la société allemande; le film et son réalisme social percutant et proche du docu-vérité, citant autant le cinéma brut des frères Dardenne que celui de Cristian Mungiu, frappe par la subtilité et la justesse de son questionnement nuancé sur la confrontation douloureuse entre religiosité et notion - fragile - d'identité dans un monde déséquilibré, ou le basculement vers les extrêmes (radicalisation, délinquance,...) se joue la aussi, sur d'infimes détails.
Constamment sous le poids d'une épée de Damoclès se délectant des oppositions (modernité et tradition, amour et rigorisme de la parole religieuse, exclusion et inclusion sociale, masculinité et émancipation féminine, affirmation et rejet de soi, désir d'indépendance et peur de l'échec,...), tout en évitant scrupuleusement tout misérabilisme putassier, Oray, à la mise en scène aussi ciselée et crue que son interprétation est remarquable (l'intense Zejhun Demirov en tête), est un drame fascinant et éprouvant, qui ne pêche que par son final trop abrupte.
Une excellente surprise, et un très bon premier long.
Jonathan Chevrier
[CRITIQUE] : Oray