[CRITIQUE] : Pig

[CRITIQUE] : Pig
Réalisateur : Michael Sarnoski
Acteur : Nicolas Cage, Alex Wolff, Cassandra Violet,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Thriller, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h31min
Synopsis :
Un chasseur de truffes vit en ermite dans la nature sauvage de l’Oregon, quand l’enlèvement de sa truie truffière le pousse à retourner vers la civilisation à Portland où il devra faire face aux démons de son passé.

Critique :

Fable moraliste et déchirante purement américaine aux forts accents mélancoliques et tragi-comiques, #Pig croque une auscultation affûtée de la scène gastronomique et de sa fétichisation élitiste et marxiste, dominée par un Nicolas Cage imposant et mué d'une tristesse indélébile. pic.twitter.com/B07ar8s2wE

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) October 27, 2021

Contrairement à bon nombre d'anciens A-listers d'Hollywood, désormais condamnés à faire de la figuration plus ou moins importantes dans des DTV ou des direct-to-VOD, en ruminant ce que pouvait être leur lustre d'antan (voir Cusack, Willis, Whitaker ou encore Liotta, se perdre dans ses productions fait un put*** de pincement au coeur), ce bon vieux Nicolas Cage lui, aborde ce pan du marché cinématographique avec une énergie et une détermination funky qui force presque l'admiration, sublimant ce que l'on pourrait prendre comme des rôles routiniers, en cabotinant joyeusement comme un sagouin.
Gageons que même sans lui, la majorité des petits plaisirs coupables qui inondent nos plateformes VOD, auraient decemment moins de saveurs, puisqu'il se fait une mission homérique, à traîner sa caboche et sa chevelure de plus en plus dégarnie, dans un maximum d'entre-eux.

[CRITIQUE] : Pig

Copyright Metropolitan FilmExport


De retour dans nos salles obscures après les avoir quitté il y a un bon moment (Snowden en 2017), on le retrouve avec le bien nommé Pig de Michael Sarnoski - qui marque son premier passage derrière la caméra d'un long-métrage -, dont le pitch barré semble tout droit tiré d'un tweet écrit lors d'une soirée trop alcoolisé : Cage incarne Rob, un chef gastronomique devenu un ermite hirsute et négligé, qui émerge de la nature sauvage de l'Oregon à la recherche de son cochon chasseur de truffes kidnappé, qu'il est bien déterminé à récupérer à n'importe quel prix.
Libre aux spectateurs de trouver la chose stupide ou brillante, même s'il est difficile de ne pas totalement considéré les deux choix comme une définition plutôt pertinente de ce revenge movie qui n'en est jamais totalement un (pas de folie barbaresque à la Mandy donc, ou le Nic excellait), s'amusant à déjouer les attentes du spectateur tout en cherchant à voir toujours plus loin que son groin.
Sans crier gare, le film arbore le ton casse-gueule du pastiche et croque une auscultation affûtée de la scène gastronomique et de sa fétichisation de l'idée de « vraie nourriture », de la nourriture artisanale; une fétichisation non seulement élitiste (qui mange réellement des truffes, ou des poulets en liberté ?) et même marxiste, tant elle se concentre sur le produit lui même et non la manière par laquelle (souvent horrible) il a fait son bonhomme de chemin dans nos assiettes.
Une auscultation qui pousse le vice jusqu'à remonter toute la chaîne d'approvisionnement derrière le monde de l'alimentation parfaitement (trop ?) organisé des palaces et des restos tendance à Portland (mais qui peut s'appliquer à toutes les grandes villes des États-Unis, voire même du monde).

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Derrière l'idéal des gourmets et les millions de photos auto-satisfaites qui pullulent sur les réseaux sociaux (tout le monde a sa part de torts, des consommateurs haut de gamme aux restaurateurs, en passant par les journalistes culinaires), il y a des travailleurs souvent brutalement maltraitées et sous-payées (beaucoup ne pouvant même pas prétendre à l'assurance-chômage car leur salaire de base est trop bas), un constat d'autant plus terrible à une heure ou le monde tente difficilement de se remettre de l'épidémie de Covid-19, et que des milliers de restaurateurs voient le dur labeur d'une vie s'effondrer, quand d'autres perdent tout simplement leur travail.
S'il y a une seule chose qui vaut la peine d'être sauvé du monde gastronomique, semble suggérer le film, c'est l'acte de cuisiner en lui-même et le plaisir de manger, libéré de toute prétention et de toute recherche du profit qui la dévalorise.
Si le penchant est au pastiche mélodramatique - non sans une pointe d'ironie salvatrice -, les vérités que Pig assène n'en sont pas moins essentielles, de la gentrification d’un monde au bord du gouffre à une dynamique genrée des hautes sphères de la mondanité et des étoiles Michelin, en passant par une présence limitée des femmes dans le milieu, faisant écho aux récents scandales de sexisme et de harcèlement dans le monde de la gastronomie.
Oui mais... et le cochon - enfin la truie - dans tout ça ?
Son absence autant que sa disparition, incarnent le coeur même de toutes les thématiques dégainées par l'intrigue : sa valeur n'est qu'une question de jugement affectif ou commercial.

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Conformément à l'instrumentalisation des animaux dans le mécanisme de la cuisine gastronomique, cette disparition n'est considéré par le monde qui entoure Rob, que comme une privation économique ou sentimentale, alors qu'elle est tout simplement pour lui une adorable compagne de vie, un substitut aimé et aimant à sa femme décédée, qui ne peut pas être remplacée.
Fable moraliste et déchirante purement américaine aux forts accents tragi-comiques (et dont l'émotion surplombe toujours la violence), embaumée dans une photographie solaire de Patrick Scola et une partition appliquée du tandem Alexis Grapsas/Philip Klein, Pig ne serait cependant rien sans la prestation folle et presque chamanique de Nicolas Cage.
Imposant et d'une tristesse/mélancolie indélébile, il délivre ici sa performance la plus contemplative depuis longtemps, et démontre si besoin était à tout ses détracteurs, que le grand comédien qui est en lui est toujours là, et qu'il ne demande qu'à exploser quand la bonne occasion se présente.
Ici, c'est pleinement le cas.
Jonathan Chevrier
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