[CRITIQUE] : The French Dispatch

[CRITIQUE] : The French Dispatch
Réalisateur : Wes Anderson
Avec : Bill Murray, Benicio Del Toro, Frances McDormand, Jeffrey Wright, Adrien Brody, Timothée Chalamet, Léa Seydoux, Tilda Swinton, Mathieu Amalric, Lynn Khoudri, Stephen Park, Owen Wilson,...
Distributeur : The Walt Disney Company France
Budget : -
Genre : Comédie, Drame, Romance.
Nationalité : Américain, Allemand.
Durée : 1h48min
Synopsis :
Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2021
The French Dispatch met en scène un recueil d’histoires tirées du dernier numéro d’un magazine américain publié dans une ville française fictive du 20e siècle.

Critique :

Oeuvre d'art autoréflexive et agitée,#TheFrenchDispatch montre une disproportion ironique entre l'effort déployé et le résultat obtenu tant l'invitation incroyable à l'enchantement qu'il incarne, l'enferme presque dans une claustrophobie émotionnelle qui entache son appréciation. pic.twitter.com/sWuLE7ZRLA

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) October 25, 2021

Peut-être pas autant qu'un Christopher Nolan (sans doute le maître incontesté - et involontaire pour le coup - du moment à cet exercice), Wes Anderson est un de ces cinéastes qui divisent férocement les spectateurs, tant une discussion sur l'un de ses films peut vite avoir tendance à se transformer en un référendum enflammé sur l'ensemble de sa filmographie, entre ses défenseurs et les hermétiques de son cinéma si doux et poétique.
Mais si la plus grande force du faiseur de rêve qu'il est, soit sa propension à avoir créer un style atypique et inimitable qui lui est propre, était devenu au fil du temps (à l'instar de Tim Burton) l'une de ses plus grandes faiblesses ?

[CRITIQUE] : The French Dispatch

Copyright The Walt Disney Company France


Vous n'avez pas trois heures pour y répondre mais une heure quarante-huit minutes, tant si la question pouvait s'esquisser de manière très lointaine dès The Grand Budapest Hotel, elle devient résolument plus frontale avec son dernier effort, The French Dispatch.
Anthologie centrée sur un magazine fictif, qui se déroule non pas dans la France où Anderson lui-même vit depuis des années, mais dans une hexagone imaginaire (une idéalisation enjouée qu'il a du pays), qui se veut autant comme une lettre d'amour au New Yorker d'antan, qu'à la France et sa Nouvelle Vague (aux révérences appuyées et affirmées à Jacques Tati et Jean-Luc Godard); la narration se visse en trois histoires juxtaposées et le matériel interstitiel - des petites vignettes - qui les encadre, partageant toutes le même fil conducteur : l'amour partagé des personnages pour le pouvoir de l'écriture et la joie de la création collaborative.
Tout comme le magazine sans cesse mouvementé auquel il prête son titre, le film, véritable œuvre d'art autoréflexive sans cesse agitée, montre une disproportion délibérément ironique entre l'effort déployé (que ce soit les personnages à l'écran, ou Anderson et ses interprètes derrière la caméra) et les résultats obtenus au final.

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Si le cinéaste raconte son - ou plutôt ses - petites histoires en dégainant tous les instruments de de sa boîte à outils cinématographique (split screens, une image oscillant entre des couleurs vives et un noir et blanc nostalgique, un cadre alternant les symétries parfaites et les compositions rectilignes, les riches dialogues aux allusions savantes, les décors élaborés qui glissent en arrière-plan pour créer une illusion de mouvement, une animation rappelant les plus belles heures de la bande dessinée,...), cette invitation naturelle à l'enchantement - tant il pousse ici sa quête de la beauté esthétique absolue à son paroxysme -, l'enfermerait presque dans une claustrophobie émotionnelle.
Bien qu'il soit thémaquement dense (il traite aussi bien des thèmes de l'incarcération, de la maladie mentale, des troubles sociaux, de l'intégrité journalistique, du racisme, de l'homophobie,...), mais aussi inventif et visuellement accompli, The French Dispatch manque cruellement de profondeur émotionnelle, un vide que ne parvient jamais à combler un casting stellaire pourtant totalement voué à sa cause (sauf peut-être un Jeffrey Wright absolument parfait et bouleversant).

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Un faux pas notable tant les cabinets des curiosités hautement organisés du bonhomme, grouillaient jadis de tellement de vie et de coeur, qu'il n'avait pas besoin de forcer le trait plus que de raison pour le transmettre à son auditoire.
À moins que, structure sinueuse et expérimentale oblige (la narration à sketches est l'une des plus complexes qui soient), cette émotion tiède incarnerait alors plus le choix intentionnel du cinéaste qu'une erreur de jugement artistique, tant il privilégie plus que jamais (et c'est ce qui en fait un pur régal visuel) le fond à la forme, là où l'esthétique étaient auparavant avant tout mise au service de ses intrigues - simples mais solides - et de ses personnages.
Telle est la question finalement, comme celle posée plus haut.
Reste que si l'un des privilèges du septième art est le pouvoir de recréer le monde tel que l'on voudrait qu'il soit, celui mélancolique et profondement réconfortant d'Anderson, restera toujours l'un des seuls dans lequel on aura toujours le plaisir de se perdre, et ce n'est pas (encore) The French Dispatch qui viendra totalement contredire cela.
Jonathan Chevrier
[CRITIQUE] : The French Dispatch