[Namur 2021] “Entre les vagues” d’Anaïs Volpé

Par Boustoune

[Compétition]

De quoi ça parle ?

De l’amitié de deux jeunes femmes, Margot (Souheila Yacoub) et Alma (Déborah Lukumuena), qui ont des rêves de théâtre plein la tête. Elles passent ensemble une audition pour une compagnie de théâtre professionnelle et se font remarquer par la metteuse en scène, Kristin (Sveva Alviti). Alma obtient le rôle principal de la pièce, un monologue autour d’une jeune femme enceinte partant s’installer à New York, suivant les traces de sa grand-mère qui avait fait un chemin similaire, plusieurs décennies auparavant. Margot est choisie pour être sa doublure.
C’est une nouvelle vie qui s’offre à elles, après des années à galérer dans des petits boulots – des centaines de serviettes pliées et de shampoings pour l’une, des milliers d’expressos servis pour l’autre – et à vivre des histoires de coeur foireuses. Ce rôle est pour toutes les deux l’occasion de prouver leur valeur et de prendre enfin leur envol. Le fait qu’elles puissent vivre ça ensemble est un véritable bonheur, dont elles profitent pleinement. Un peu trop même… A la veille d’une répétition, elles s’offrent une nuit de fête où elles dansent, boivent et flirtent jusqu’au petit matin. Alma, épuisée, s’effondre sur scène et est emmenée aux urgences. Après la répétition, Margot file la rejoindre et découvre que le malaise d’Alma n’est pas lié qu’à la fatigue. Son amie est traitée pour un cancer que l’on devine à un stade avancé. Les médecins expliquent à ses proches qu’elle doit être opérée et ne peut raisonnablement pas continuer le théâtre. Mais consciente que ce rôle est ce qui permet à Alma de se battre, Margot décide de lui faire croire qu’elle pourra revenir bientôt et que la metteuse en scène l’attend. Chaque soir, elle lui apporte ses notes des répétitions pour qu’Alma travaille à l’hôpital. Mais en même temps, Kristin la presse de reprendre le rôle, puisque c’est elle la doublure. Margot est partagée entre son amitié pour Alma et cette opportunité qui lui est offerte.

Pourquoi on se laisse submerger par les vagues d’émotion du film?

Disons-le tout de suite, la trame de Entre les vagues n’est pas très originale, surtout cette année, où le Festival de Cannes a semblé placé sous le signe du cancer. Et elle est beaucoup plus classique que le précédent long-métrage d’Anaïs Volpé, Heis (Chroniques), objet expérimental qui était conçu comme l’association d’un film, d’une série et d’une installation artistique. Ceci dit, il n’est jamais facile de passer le cap du second film, et, pour assurer un lancement de carrière, mieux vaut une oeuvre classique solide qu’un long-métrage expérimental déroutant… Ici, la cinéaste a choisi la voix de la sagesse en signant un mélodrame, donc. Mais il s’agit d’un mélodrame efficace, qui réussit à émouvoir aux larmes en nous permettant immédiatement de nous attacher aux personnages, ces deux jeunes femmes pleines de vie. Forcément, quand la maladie frappe Alma, cette force de la nature qui semblait indestructible, on est forcément pris par l’émotion. Et on est tout aussi bouleversés par les sentiments contraires qui agitent Margot, qui doit supporter sur ses seules épaules ses rêves et ceux de son amie.

Mais ce qui fait la réussite du film, c’est son énergie permanente, que ce soit dans les moments de comédie ou les séquences plus graves. Margot et Alma sont deux âmes incandescentes. Elles sont portées par leurs envies de théâtre et de jeu, par leur désir de laisser derrière elles la banlieue, les jobs alimentaires, les amourettes sans lendemain. Elles savent ce qu’elles veulent et sont prêtes à tout donner pour réaliser leurs rêves. Même si elles sont rivales lors des auditions, elles se soutiennent l’une l’autre. Leur amitié les galvanise, les rend irrésistibles.
Comme Kristin arrive à canaliser l’énergie de Margot et Alma, à les pousser dans leurs retranchements et les obliger à tout donner pour le rôle, Anaïs Volpé réussit pareille performance avec ses deux comédiennes principales. Elle s’appuie sur la complicité évidente de Déborah Lukumuena, qui avait déjà brillé dans Divines, autre histoire d’amitié féminine forte, et Souheila Yacoub, remarquée dans Climax de Gaspar Noé où il était moins question d’amitié. Les deux actrices semblent constamment sur la même longueur d’onde, animée par la même passion, la même fougue juvénile.

La cinéaste dynamise aussi le récit par son style de mise en scène, caméra à l’épaule, qui suit ses actrices dans toutes leurs tribulations, au plus près, comme pour capter chaque mouvement, chaque étincelle de vitalité ou chaque moment d’émotion.
En procédant ainsi, elle laisse la plupart du temps le pathos à distance et évite de tomber dans le drame lourd et larmoyant. Elle signe un film qui s’axe avant tout sur les relations humaines et met en avant l’envie de se battre, l’envie d’avancer et de croire en un avenir radieux, symbolisé par la ville de New York, projetée sur un écran au théâtre ou reconstituée en carton-pâte dans la chambre d’Alma.

Entre les vagues
est une ode à la vie et à l’amitié, dans laquelle Anaïs Volpé projette beaucoup de son propre parcours, elle qui a été comédienne de théâtre avant de devenir réalisatrice et qui, à ses débuts, s’est sentie soutenue par toute une sororité d’actrices nourrissant les mêmes ambitions.
C’est aussi un joli film sur le théâtre et la création artistique, qui pourra peut-être faire naître la vocation chez certaines jeunes spectatrices. En tout cas, on lui souhaite de pouvoir trouver son public…

Contrepoints critiques

”C’est comme si la Terre s’était arrêtée de tourner pour regarder deux astres, la Lune et le Soleil, Margot (Souheila Yacoub) et Alma (Déborah Lukumuena), deux meilleures amies, inarrêtables, inséparables, inaltérables, rayonnantes l’une plus que l’autre et l’autre plus que Lune.”
(Thomas Pouteau – Le stylo de Toto)

”La claque de la @Quinzaine s’appelle #EntreLesVagues et est signée Anaïs Volpé ! Cette histoire d’amiesœurs sublimée par Déborah Lukumuena et Souheila Yacoub est juste magnifique et viscérale. Un coup de cœur instantané à l’écriture parfaite”
(Wyzman Rajaona  @WyzmanRajaona sur Twitter)

Crédits photos : copyright KMBO