[CRITIQUE] : Guermantes

[CRITIQUE] : Guermantes

Réalisateur : Christophe Honoré
Acteurs : Dominique Blanc, Laurent Lafitte, Claude Mathieu, Anne Kessler, Éric Génovèse,...
Distributeur : Memento Distribution
Budget : -
Genre : Comédie, Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 2h19min.
Synopsis :
Paris, été 2020. Une troupe répète une pièce d’après Marcel Proust. Quand on lui annonce soudain que le spectacle est annulé, elle choisit de continuer à jouer malgré tout, pour la beauté, la douceur et le plaisir de rester ensemble.


Critique :

En chef d'orchestre distant d'un chaos jamais vraiment désorganisé, Honoré fait de #Guermantes une curiosité originale sur la magie du processus de création artistique (et le bon vivre-ensemble), démontrant la capacité réelle que peut avoir le cinéma FR à s'adapter à l'actualité pic.twitter.com/tndKwUXEuo

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) September 25, 2021

Même si le procédé peut profondément faire tiquer plus d'un spectateur, il n'y a - sur le papier - aucun mal à ce que les cinéastes hexagonaux s'inspirent du contexte sanitaire et social actuel, pour potentiellement nourrir leur oeuvre cinématographique : tout n'est finalement qu'une question de but et d'intentions.
Si certains le font au service d'un humour douteux et sans réel intention de méditer un bouleversement encore prégnant - et dont les répercussions sont loin d'être terminées -, d'autres en revanche, prennent ce contexte difficile pour retranscrire comment la pandémie a bousculer leur métier et même plus directement leur existence.
Clairement de ceux-là, Christophe Honoré, que l'on avait laissé la merveilleuse dramédie Chambre 212 (clairement l'un de ses plus beaux efforts), profite d'une mésaventure malheureuse - la déprogrammation d’une pièce adaptée de l’œuvre de Proust -, pour en faire une oeuvre cinématographique pleinement dans son temps, aussi prolixe qu'elle est captivante - non sans quelques longueurs, il est vrai.
Car toute la puissance de Guermantes réside dans ce rapport constant à l'actualité et à notre quotidien perturbé par une crise sanitaire dont on ne peut qu'encaisser les caprices et la violence sourde.

[CRITIQUE] : Guermantes

Copyright Jean Louis Fernandez


Vissée sur le fil tenu de l'incertitude, celle qui tiraille une troupe perdue entre l'envie de continuer à jouer (même face à la probabilité plus qu'imposante, de ne jamais pouvoir se représenter face à un public) et le fait de résigner face à l'absolu, la caméra capte ces instants de flottement presque irréels au coeur d'un vrai/faux vide créatif, ou l'incapacite de se produire se substitue à la réalité d'une vie devenant elle-même terrain de jeu sans limites.
Une mise en abyme mélancolique et déroutante, ou les comédiens - une troupe de la Comédie-Française - jouent leurs propres rôles (ou tout du moins, laissent subtilement le croire, tant on ne peut jamais quantifier le degré de leur ré-interprétation d'eux-mêmes) avec une totale liberté au sein d'une fiction qui se fait documentaire - ou l'inverse -, une parenthèse pas si enchantée mais fièvreusement rafraîchissante et délicate, entre moments de tensions et d'auto-dérision, qui rend un hommage enlevé à l'oeuvre de Proust.
En chef d'orchestre distant d'un chaos jamais vraiment désorganisé (qui empêche, de manière assez poétique, à un spectacle mort-né de vivre pour l'éternité), Christophe Honoré fait de Guermantes une curiosité singulière, originale et grisante sur la magie du processus de création artistique (et le bonheur du bon vivre-ensemble), démontrant la capacité étonnante que peut avoir le cinéma français à s'adapter à l'actualité... tout du moins, pour le mieux.
Jonathan Chevrier
[CRITIQUE] : Guermantes