Stillwater (2021) de Tom McCarthy

Ne pas confondre avec le beau "Still the Water" (2014) de Naomi Kawase, ce film est dans le tête du réalisateur-scénariste "The Station Agent" (2003) et "The Visitor" (2008) Tom McCarthy a cette histoire en tête depuis plus de dix ans après avoir été particulièrement frappé par l'affaire Amanda Knox (Tout savoir ICI !). Il écrit un premier scénario dès le début des années 2010 en collaboration avec Marcus Hinchey qui venait de signer le film "Love and Secrets" (2010) de Andrew Jarecki. Mais insatisfait du résultat, McCarthy délaisse le projet pour faire (2015). C'est ensuite qu'il a repris le scénario : "Je ne l'avais pas relu depuis sept ou huit ans. C'était un formidable point de départ, mais le scénario ne tenait pas la route. Par ailleurs, d'un point de vue politique, il a été écrit sous Obama. Je le relisais au début de la présidence de Trump et le pays avait considérablement changé. C'était d'ailleurs très éclairant de redécouvrir le script à la lumière de ces mutations, et c'est ce qui m'a poussé à l'aborder sous un nouvel angle". Le réalisateur voulait une ville portuaire européenne et son choix s'est porté sur Marseille : "Il m'a suffit de me rendre une fois à Marseille pour savoir que j'avais trouvé ma ville portuaire. L'atmosphère et les couleurs de la ville étaient, de toute évidence, cinématographiques - et le mélange de cultures, comme le rythme de cette métropole méditerrannéenne, me semblait être le cadre idéal du film." C'est aussi ce choix sans doute qui explique que McCarthy a ensuite fait appel à deux des meilleurs scénaristes français de ces dernières années, Thomas Bidegain et Noé Debré, qui se connaissent bien puisqu'ils ont travaillé ensemble sur les films "La Résistance de l'Air" (2014) de Fred Grivois, (2015) de Jacques Audiard et (2017) de Michael R. Roskam sans oublier le propre film de Bidegain "Les Cowboys" (2015). Précisons que si le film s'inspire de faits réels c'est de très loin et il reste une oeuvre 100% fiction...

Stillwater (2021) de Tom McCarthy

Bill Baker, foreur de pétrole en Oklahoma se rend à Marseille pour soutenir sa fille emprisonnée après avoir été condamnée à 9 années de prison pour un meurtre qu'elle nie avoir commis. Sur place, l'américain a bien du mal à se faire à ce pays et à cette ville où il ne connaît personne sans compter la barrière de la langue. Mais Bill Baker va commencer à mener sa propre enquête, bientôt aidé par une française... Cet américain est incarné par la star Matt Damon vu tout récemment dans "No Sudden Move" (2021) de Steven Soderbergh et en attendant le médiéval "Le Dernier Duel" (2021) de Ridley Scott. Sa fille est interprétée par Abigail Beslin, révélée toute jeune dans "Signes" (2002) de M. Night Shyamalan et "Little Miss Sunshine" (2006) du duo Dayton-Faris, puis vue dernièrement dans "Retour à Zombieland" (2019) de Ruben Fleischer. La française qui va l'aider est jouée par Camille Cottin qui avait déjà tourné pour une production américaine avec (2016) de Robert Zemeckis et qu'on va voir bientôt dans "House of Gucci" (2021) de Ridley Scott. Avec cette histoire qui se déroule en France on a logiquement d'autres comédiens français à l'affiche avec Anne Le Ny vue dans son propre film "La Monnaie de leur Pièce" (2018) et qui retrouve après "La Taularde" (2016) de Audrey Estrougo l'actrice Naidra Ayadi révélation du déchirant (2011) de et avec Maïwenn. Citons encore le jeune William Nadylam aperçu dans "L'Affaire SK1" (2014) de Frédéric Tellier et "les Animaux Fantastiques : les Crimes de Grindewald" (2018) de David Yates, puis surtout Moussa Maaskri, gueule bien connue des polars français de "Bye-Bye" (1995) de Karim Dridi à (2020) de Olivier Marchal en passant par "Truands" (2007) de Frédéric Schoendoerffer et (2014) de Cédric Jimenez. Pour finir n'oublions par une américaine, l'actrice Deanna Dunagan qui débuta dans "La Machination" (1984) de Bryan Forbes et surtout remarquée dans le film d'horreur (2015) de M. Night Shyamalan... Dès le début il y a deux choses qui frappent, la volonté claire du réalisateur de marquer la différence entre l'Amérique et Marseille, et cette propension à instiller une atmosphère inhérente à un thriller que le film n'est jamais vraiment. Le réalisateur utilise plutôt le plan-séquence, des mouvements de caméras amples quand on est en Oklahoma avec des plans symboliques comme les dégâts des ouragans ou les derricks, et il favorise la caméra à l'épaule, un rythme plus nerveux quand on est à Marseille avec des décors qui jouent parfois la carte postale mais qui n'hésite pas non plus à montrer la face sombre de la cité phocéenne.

Stillwater (2021) de Tom McCarthy

Le genre thriller ou polar est ce qui est plus ou moins promis par la bande-annonce, voir par la promo mais finalement Tom McCarthy est plus malin et offre un drame familial plus profond que le cinéaste a parfaitement souligné dans une note d'intention : "Stillwater parle de la nature humaine, de ce qui nous pousse à prendre nos décisions, et du fait que nos valeurs morales peuvent être corrompues par notre passé, par la société et par notre amour pour nos proches. Il parle de notre regard sur notre obligation morale. C'est un récit d'émancipation qui parle de la culpabilité et de la honte qui nous aliènent et nous emprisonnent. C'est un film qui parle de notre besoin de se sentir aimé et de se sentir utile. Et c'est un film que je ne sentais pas prêt à faire jusqu'à présent." Et c'est clairement la grande force du film, ne pas tomber dans l'action movie et/ou l'enquête d'un mec lambda trop fort façon super ricain. Le réalisateur a parfaitement assumé son objectif et son propos, et c'est judicieux jouant sur la solitude culturelle en prime. Par contre, on constate que certains passages manquent fortement d'intérêt ou sont maladroits voir râtés. Par exemple une meilleure amie sous-exploitée ou même superflue, ou la scène, aperçue dans la bande-annonce, où Virginie/Cottin dénonce un comportement "américain" de la part de Bill/Damon : "Vous parlez comme un vrai américain" - "Tant mieux j'en suis un !" ; séquence aux dialogues mal écrits voir stupides (elle connaît d'autres américains ?!) et qui sonnent tellement faux à ce moment du film (quel rapport d'être américain avec les minutes précédentes ?!) qu'on peut la considérer comme le pire passage du film. La plus grosse incohérence du film pourtant arrive avec la police, où comment ont-ils su ?! Il y aurait à priori qu'une seule raison, mais alors pourquoi et comment la justice aurait-il peu rouvrir le dossier ?! Néanmoins, le film est prenant, le suspense est solide et une tension reste palpable tout le long du récit (innocente ou pas ?!). Tom McCarthy signe un drame familial et judiciaire bien construit et touchant, vraisemblable même avec un joli casting. Un bon moment.

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