Arc dramatique & thème

L'arc dramatique, c'est-à-dire l'évolution du regard de votre personnage principal sur son monde, participe à l'élaboration de l'intrigue ainsi qu'au thème du récit, ce que vous tentez de dire en contant ce récit.

Lorsque la catharsis s'en mêle

C'est à Aristote que nous devons cette définition de la catharsis. Il s'agit d'une purgation des passions. On peut objecter de ce que cette purification des émotions par le drame a à voir avec l'écriture d'un personnage.

Commençons par ceci : en faisant l'expérience de la peur par procuration (c'est-à-dire par personnage interposé) dans une situation contrôlée (même totalement immergé dans l'action, ce qu'il se passe dans l'histoire ne peut pas nous atteindre du moins physiquement), les propres angoisses du lecteur/spectateur sont dirigées vers l'extérieur et, en s'identifiant par sympathie ou empathie au protagoniste, la vision et les perspectives du lecteur/spectateur sont élargies.

Par peur, il faut entendre émotion. Ce qu'il se passe dans le récit provoque en nous une émotion qui nous submerge littéralement. Cette émotion forte et bouleversante, liée à une connexion empathique avec le protagoniste de l'histoire, est la catharsis.

On retient souvent le personnage principal parce que c'est sur lui que se porte le plus facilement cette connexion empathique. Néanmoins, dans certaines scènes, ce que ressentent les autres personnages peut aussi nous atteindre émotionnellement.

Il importe de jouer avec les émotions. Dans un couple, par exemple, lorsque la lassitude de l'autre s'installe, l'amour devient progressivement haine. L'amour et la haine sont deux passions contraires rendues palpables par le récit de la séparation de ce couple. Qu'elle soit le thème majeur ou non, cette fatigue de l'autre atteint lecteurs et lectrices qui, par un jeu de réminiscences diverses, peuvent reconnaître la situation, l'éprouver à leur façon et libérer peut-être quelques angoisses sourdes qui les préoccupaient et qu'ils ne pouvaient tout à fait formuler.

La catharsis devient ainsi une reconnaissance.

L'arc dramatique

L'arc dramatique est un mouvement irréversible. Les expériences que vit un personnage ont pour conséquence de le changer. C'est comme dans la vie réelle sauf qu'en fiction, le changement est consommé.
Nous rencontrons deux difficultés dans la vie réelle. D'abord, il nous faut accepter le changement. Ensuite, les autres ne peuvent ou ne veulent voir en nous le changement. On renonce souvent à être compris. En fiction, ce à quoi nous aspirons, le personnage le réalise. Il passe par des hauts et des bas, nous reconnaissons ses joies et ses peines.

Cet arc dramatique est l'interprétation d'un personnage qui entreprend un véritable changement entre le début et la fin du récit. A la fin, il est autre. Mais ce n'est pas l'invention d'un être nouveau. Il aspirait à ce changement mais ne se l'avouait pas.
Il peut réussir ou non à devenir autre car s'il échoue à la fois l'objectif (c'est-à-dire en quelque sorte la mission qu'il s'est fixé dans cette histoire) et le besoin fondamental qu'il a de se perfectionner sur le plan intime (comme par exemple ne plus avoir peur d'aller vers les autres ce qui lui empêchait toute vie sociale), c'est une tragédie. Et ce le sera aussi s'il parvient à réaliser l'objectif mais reste malgré cela cet être imparfait comme s'il était déterminé à être condamné.

Catharsis et arc dramatique peuvent s'entendre aussi comme empathie et thème. L'empathie est d'éprouver ce qu'autrui ressent. On reproduit en nous les émotions par lesquelles cet autre est passé lorsqu'il a vécu ou peut-être vit encore certaines expériences. L'empathie fonctionne aussi avec des personnages de fiction.
Il suffit de parvenir à créer une sympathie quelconque envers un personnage (habituellement les efforts des auteurs et autrices se portent essentiellement à créer cette sympathie sur le personnage principal), pour qu'ensuite, le lecteur/spectateur puisse ressentir une certaine compassion pour la souffrance d'un personnage de fiction.

On pourrait même réagir émotionnellement à une situation. Si votre personnage revit quelques moments de son passé, tout prendra une valeur émotionnelle bien supérieure lorsque nous comprendrons que ce personnage est agonisant sur un lit d'hôpital.

On se livre corps et âme aux émotions d'autrui plus facilement encore lorsqu'on ne craint rien comme avec la fiction. Intuition et sensibilité : on prend les choses comme elles arrivent. On peut s'étonner et s'interroger de ce que l'on a ressenti mais ce qui importe pour l'auteur et l'autrice, c'est qu'ils soient parvenus à vous faire éprouver quelque chose.

Un thème

Pour qu'il y ait empathie envers un personnage ou sa situation, il faut d'abord préciser le thème parce que ce personnage l'incarnera à sa façon tout en l'ignorant. Dans Le Monde de Nemo, Marin, le personnage principal, a d'énormes difficultés à accepter que son enfant vole de ses propres ailes. Pour poser l'argument sur cette séparation nécessaire, Marin représentera alors l'anti-thèse de cette affirmation. Il sera effectivement sur-protecteur envers Nemo.

C'est précisément cette attitude qu'il lui faut changer. La relation du protagoniste avec le thème évoluera jusqu'à ce que, à la fin, il fasse un choix émotionnel et dramatique qui montre qu'il incarne désormais le thème.

C'est une possibilité narrative : nous avons évoqué la catharsis en suscitant l'empathie du lecteur pour un protagoniste qu'il peut comprendre, puis nous avons placé son arc aussi loin que possible du thème afin que nous puissions apprécier pleinement le chemin qu'il a parcouru à la fin de l'histoire. A vous de voir si cette façon de faire sied ou non à l'œuvre que vous préparez.

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