[CRITIQUE] : Kuessipan

[CRITIQUE] : Kuessipan

Réalisatrice : Myriam Verreault
Acteurs : Sharon Fontaine-Ishpatao, Yamie Grégoire, Cédrick Ambroise, Étienne Galloy, ...
Distributeur : Les Alchimistes
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Québécois
Durée : 1h57min
Synopsis :
Nord du Québec. Mikuan et Shaniss, deux amies inséparables, grandissent dans une réserve de la communauté innue. Petites, elles se promettent de toujours rester ensemble. Mais à l’aube de leurs 17 ans, leurs aspirations semblent les éloigner : Shaniss fonde une famille, tandis que Mikuan tombe amoureuse d’un blanc et rêve de quitter cette réserve devenue trop petite pour elle...

Critique :

#Kuessipan tire sa force d’un ton singulier où s’entremêle le déterminisme social, la discrimination, les drames de la vie mais aussi l’amour et la solidarité, posant les bases d’un questionnement complexe sur les racines, les traditions et l’identité. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/IetVtWZ9EJ

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) June 11, 2021

Adaptation du livre éponyme, Kuessipan est le deuxième long métrage de la réalisatrice québécoise Myriam Verreault. Le livre, écrit par Naomi Fontaine (également co-scénariste sur le film), a été publié en 2011 alors que l’autrice avait seulement vingt-trois ans. “Kuessipan”, qui veut dire “à toi” évoque les dédicaces au début de romans, pour désigner une personne chère à notre cœur ou pour remercier quelqu’un en particulier. Un titre mystérieux qui donne à la fois l’indication de l’amitié très forte que nous allons découvrir au cœur du film, mais aussi le lien qu’entretient l’une des héroïnes principales, Mikuan, avec l’écriture.

[CRITIQUE] : Kuessipan

Copyright Max Films Media


Au Québec se trouve la communauté innue, un peuple amérindien, située sur la Côte-Nord. Si les réserves aux États-Unis ont trouvé un regard de cinéaste pour les filmer et les mettre en valeur (bonjour Chloé Zhao), les réserves québécoises sont restées tristement dans l’ombre. Les Innus n’existent pas pour le reste du monde, invisibles. Myriam Verreault a posé sa caméra à Uashat, une petite réserve enclavée. Mais parce qu’un lieu n’est rien sans la communauté qui y vit, Kuessipan s’intéresse à cette communauté, à leur façon de vivre, au travers de deux personnages, deux jeunes filles que nous découvrons petites avant de les redécouvrir adolescentes, Mikuan (Sharon Fontaine-Ishpatao) et Shaniss (Yamie Grégoire). Dans ce lieu restreint, précaire, où l’espoir n’est plus une idéologie mais juste un mot, leur amitié est le feu qui les anime. Deux amies, deux sœurs, qui dès leur plus jeune âge, sont très différentes. Mikuan grandit dans une famille soudée, où elle joue un rôle majeur. Une grande sœur, une infirmière pour sa grand-mère, une fierté pour ses parents. Au contraire, Shaniss est issue d’une famille fractionnée, rythmée par la drogue. Cette différence, ténue durant leur enfance, va avoir tendance à se décupler pendant leur adolescence. Shaniss, qui n’a jamais eu de famille soudée, se la crée donc, à dix-sept ans, tandis que son amie rêve d’un ailleurs, où elle pourrait s’émanciper et devenir autrice. Partir, rester, elles symbolisent les deux seules actions possibles à l’intérieur de la réserve, telles deux aimants qui se repoussent.

[CRITIQUE] : Kuessipan

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Le regard de Myriam Verreault est tendre envers ses deux protagonistes. Kuessipan se nourrit de cette douceur, entouré à la fois de superbes paysages montagneux, de forêt et de paysage urbain. Le film est une véritable source de vie, parfois calme comme un ruisseau puis volcanique, suivant de près les différentes tensions dans la vie des héroïnes. Même si leur histoire commune s’éloigne, toutes deux vivent des drames, parfois trop durs à gérer pour un si jeune âge. Récit initiatique, l'œuvre est autant un coming-of-age des plus singuliers qu’un brillant questionnement sur la communauté innue, sur la liberté et toutes ses formes : le territoire, l’intimité, l’avenir. La mise en scène se met au diapason de la voix-off de Mikuan. Sa voix rythme le montage et devient comme un recueil de poème, la douceur se mélange à la noirceur, la futilité avec la gravité.
Drame social, Kuessipan tire sa force d’un ton singulier, où s’entremêle le déterminisme social, la discrimination, les drames de la vie mais aussi l’amour et la solidarité. En s’intéressant à deux adolescentes en construction, Myriam Verreault pose les bases d’un questionnement complexe, sur les racines, les traditions, l’identité. Un film lumineux, d’une douceur qui fera fondre nos petits cœurs, comme une glace en plein soleil de juillet.
Laura Enjolvy[CRITIQUE] : Kuessipan