Bertha Boxcar

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Rimini Éditions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Bertha Boxcar » de Martin Scorsese.

« Un jour je te ramènerai une étoile »

En Arkansas, pendant la Grande Dépression, Bertha Thompson assiste à la mort de sn père. Seule, sans travail ni domicile, elle se déplace d’un coin à l’autre en utilisant les wagons de trains de marchandises. Elle fait la connaissance d’un syndicaliste révolté avec lequel elle va former un couple de pilleurs de trains.

« Faut jamais croire ce que disent les flics. Même si c’est vrai. »

En 1972, le jeune Martin Scorsese n’est encore qu’un débutant inconnu du grand public. Fraichement diplômé de cinéma, il s’est tout juste fait remarqué dans quelques festivals grâce à ses courts-métrages. Mais son premier long-métrage (« Who’s that knocking at my door », un film de fin d’études terminé laborieusement sur plusieurs années) s’est finalement révélé être un échec. Toutefois, le destin le fera rencontrer Roger Corman, célèbre et prolifique producteur de films d’exploitation et de séries B en tous genres. Surfant sur le succès surprise du « Bonnie and Clyde » (1967) de Arthur Penn, ce dernier vient tout juste de signer un joli succès commercial grâce à son « Bloody mama », variation un peu plus trash et hard-boiled du banditisme anar’ version Grande dépression. Désireux de capitaliser rapidement sur ce succès, il souhaite poursuivre sur ce thème en produisant une adaptation du roman biographique « Sister of the road » de Ben Reitman centré sur le personnage de la criminelle Bertha Thompson.

« T’as pas besoin de faire partie d’un syndicat pour aider tes frères travailleurs »

Comme « Bonnie and Clyde » avant lui, « Bertha Boxcar » traite de l’Amérique de la Grande dépression et de ses laissés pour compte qui ont pu basculer - par nécessité autant que par rébellion - dans la criminalité, avec une même forme d’insouciance et de nihilisme. Mais le film de Scorsese a aussi quelque chose d’un peu moins transgressif, le scénario veillant toujours à donner à ses personnages un vécu fort et une vraie dimension sociale (le héros est un syndicaliste, l’héroïne perd tragiquement son père au début du film victime d’un système devenu inhumain), comme pour mieux justifier leur basculement du mauvais côté de la loi. Le récit est ainsi basé sur une inversion des rôles et des valeurs : Bertha et sa bande sont toujours présentés comme des braqueurs insouciants et gentiment anarchistes qui agissent dans une geste un peu contestataire (qui fait aussi vaguement écho, de façon élégiaque, à un certain romantisme hippie, alors dans l’air du temps). On notera ainsi que le scénario évite de trop leur salir les mains avec du sang, faisant de la violence gratuite, de l’injustice et de la cruauté l’apanage des autorités loyalistes (la police, la justice, le patronat). A l’image de la répression sanglante faite les nervis du shérif dans sa prison pour empêcher détenus blancs et noirs de fraterniser. Comme si, en face, quels que soient les crimes commis, la justice des puissants était toujours plus féroce pour casser ceux qui oseraient remettre en cause l’ordre établi. Il n’en fallait pas plus pour donner à ces personnages une dimension christique évidente, dimension que l’on retrouvera dans plusieurs de ses films suivants. En dépit d’un scénario parfois un peu bancal, Scorsese signe là au final un film qui lui ressemble, mêlant expérimentation formelle, obsession mystique et explosivité (le déferlement de violence assez hallucinant de la dernière séquence), auquel le duo David Carradine et Barbara Hershey apportent toute sa fraicheur. Maladroit, mais déjà très prometteur.

***

Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master Haute-Définition, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une interview passionnante de Alexis Trosset, journaliste cinéma (26 min.), de « Boxing Bertha », genèse du film par Julie Corman, épouse du producteur Roger Corman (2020, 7 min.) ainsi que d’une Bande-annonce.

Édité par Rimini Éditions, « Bertha Boxcar » est disponible en combo blu-ray + DVD depuis le 17 février 2021.

Le page Facebook de Rimini Éditions est ici.