Slalom (2021) de Charlène Favier

Par Seleniecinema @SelenieCinema

En cette période plutôt trouble où les langues se délient depuis déjà quelques années sur les agressions sexuelles, harcèlements et autres crimes et délits du genre, on se souvient aussi plus particulièrement des affaires qui ont sali le sport souvent avec des victimes mineures. Et justement il en est question dans ce film, premier long métrage de Charlène Favier issue de la FEMIS (Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son) qui a auparavant signé quelques courts métrages dont "Free Fall" (2012), "Omessa" (2015) et surtout "Odol Gorri" (2018). Le sujet touche personnellement la cinéaste puisqu'elle a été elle-même victime dans sa jeunesse : "Je n'avais jamais pensé que mon premier long métrage parlerait forcément d ece qui était enfoui au plus profond de moi. Pourtant, la nécessité de dénonciation a fait son chemin pour finalement éclore sur les bancs de la FEMIS où j'ai écrit les premières lignes de ce scénario. Mais là encore, je ne m'autorisais pas à affirmer l'aspect autobiographique de projet. Car ma véritable histoire n'était pas dans le ski. Lys n'est pas moi, ni sa famille la mienne, ni Fred mon agresseur. maisle film est irrigué de mon histoire personnelle. J'avais un besoin fort de transposer dans un autre milieu sportif. J'ai choisi le ski avant tout parce que j'ai grandi à Val d'Isère où dès mon plus jeune âge et jusqu'à mes 16 ans, ma vie n'était faite que d'entraînements et de championnats." Charlène Favier est donc réalisatrice-scénariste et co-signe le scénario avec Marie Talon qu'elle retrouve après son court "Odol Gorri"...

Lys 15 ans intègre une section de ski-étude au lycée de Bourg-Saint-Maurice. Son entraîneur semble intraitable et peu conciliant mais il décèle chez elle un vrai potentiel et décide de tout miser sur elle. Elle progresse vite mais le lien entre son entraîneur et elle évolue de façon trop tendancieuse et elle commence à perdre pied... La petite étudiante est incarnée par Noée Abita, révélation de (2017) de Léa Mysius et vue depuis dans "Le Grand Bain" (2018) de Gilles Lellouche, "Genèse" (2018) de Philippe Lesage et "Mes Jours de Gloire" (2019) de Antoine de Bary et qui retrouve surtout sa réalisatrice après le court "Odol Gorri". Sa maman est interprétée par Muriel Combeau vue dans "Romuald et Juliette" (1989) de Coline Serreau, "Félix et Lola" (2001) de Patrice Leconte et "Un Balcon sur la Mer" (2010) de Nicole Garcia. Son entraîneur Fred est joué par Jérémie Renier acteur fétiche des frères Dardenne de "La Promesse" (1996) à "La Fille Inconnue" (2016), puis sa conjointe qui est jouée par Marie Denarnaud dont on peut citer "Les Adoptés" (2011), (2014) et (2017) tous de Mélanie Laurent. Citons ensuite une camarade jouée par Maïra Schmitt remarquée dans la série TV "Leo Matteï, Brigade des Mineurs" (2018-2021), et sa maman interprétée par Catherine Marchal, madame Olivier Marchal à la ville pour qui elle a tourné dans la plupart de ses films du premier "Gangsters" (2002) au tout récent (2020)... Outre le sujet délicat de fond, le film supporte à un autre paramètre qui, s'il est secondaire, se doit pourtant d'être crédible à savoir l'univers du ski. Ainsi Noée Abita a passé deux mois intensif auprès de Emilie Socha coach de ski à la section ski-étude de Bourg-Saint-Maurice, idem pour Jérémie Renier qui a passé lui beaucoup de temps avec les différents entraîneurs du secteur afin d'acquérir les automatismes inhérent à ce sport. Par ailleurs, le film comporte plusieurs séquences de ski qui n'ont pas été délaissé par la réalisatrice qui n'a pas hésité à utiliser des drones et engager un cadreur spécialisé dans les compétitions de ski. À noter que Lys/Abita concoure dans de véritables courses. Tous ces efforts sur la partie ski-étude est à saluer, une vraie immersion qui permet de croire à l'histoire avec en prime quelques plans magnifiques des Alpes.

Mais le vrai propos demeure le rapport entre l'entraîneur et sa protégée, d'abord professionnel, puis ambigu avant de passer la ligne jaune. On s'interroge alors par exemple sur la séquence au bureau où un coach masculin est seul avec une ado qui doit se déshabiller pour se peser et préparer un régime sportif. Mais ensuite, en parallèle, on conçoit alors les difficultés inhérents au manque d'entourage pour une ado qui se doit d'être performante en cours théorique tout en suivant les entraînements sportifs, tout en étant éloignée de ses proches... etc... Tout un contexte propice à un rapprochement envers son coach qui devient son pilier. Par là même, la réalisatrice n'incrimine pas le coach Fred qui oscille entre emprise et culpabilité tout en croyant sincèrement au potentiel de son élève, tandis qu'elle interroge aussi sur la question du consentement (d'entrée elle est séduite, elle ne dit jamais non bien au contraire...), l'âge de 15 ans n'étant évidemment pas un choix hasardeux pour la réalisatrice-scénariste. Il y a donc toujours ambiguité, flou et interrogation la cinéaste choisit une narration neutre, le coach n'est jamais détestable malgré ses faiblesses et ses torts, la jeune Lys n'est jamais naïve ou victimaire même si elle reste perdue dans ses sentiments et et ses émotions. En cela, les deux acteurs sont vraiment dans le ton juste, Renier est un coach faible derrière ses airs durs comme il se sait coupable de ses pulsions, Noée Abita assume une bouille de gamine (l'actrice a 22 ans) mais qui pousse aussi à une réflexion sur le choix, le sien et/ou celui d'un autre. On peut rester perplexe sur quelques passages plus ou moins "voyeuristes" qui ne semblent pas forcément nécessaire. Mais pour un premier film Charlène Favier ose et assure avec un sujet aussi difficile que tendancieux, mais traité avec intelligence et audace, avec une objectivité salutaire et sans manichéïsme. Un film fort à conseiller.