Le moteur de l’intrigue

Par William Potillion @scenarmag

Au cœur de toute histoire se trouve un arc d'événements, une série d'événements liés entre eux, qui incite le lecteur à s'engager dans le récit.

Parfois, cet arc est celui de l'action garante des frissons. Attraperont-ils le tueur ? Va-t-elle briser la malédiction ? D'autres fois, cet arc est celui d'un bouleversement ou d'une transformation intérieure. Sa fierté le conduira-t-elle à sa perte ? Trouvera-t-elle dans son cœur la force de pardonner ?

Il est certain que les deux types d'arcs peuvent être présents dans une histoire. Mais en fin de compte, un seul peut servir de moteur à l'intrigue.

En tant qu'auteurs et autrices, pourquoi est-il important de comprendre quel arc se trouve au cœur de nos histoires ? Examinons la différence entre les récits axés sur l'action et ceux axés sur les personnages.

Une question d'arcs

Également appelés Storylines ou lignes dramatiques, les arcs sont les fils d'Ariane qui emmènent les lecteurs d'un bout à l'autre de l'œuvre, et ils peuvent se présenter sous de nombreuses formes. Bien qu'un arc serve d'intrigue principale dans la plupart des récits, les intrigues secondaires sont également des arcs dramatiques à part entière, ce qui signifie que plusieurs arcs peuvent apparaître dans une fiction et c'est souvent le cas.

Ce qui définit une série d'événements comme arc dramatique, c'est la question dramatique qui traverse chacun d'entre eux. Va-t-il attraper le tueur ? Va-t-elle trouver le pardon ?

Tant que la série d'événements répond à cette question sous une forme ou une autre, vous avez un arc dramatique entre les mains. Néanmoins, c'est la nature de cette question qui définit une intrigue comme étant soit de l'action, soit quelque chose de plus intime.

L'action suit un personnage ou un groupe de personnages dans leur quête d'un objectif externe, comme l'arrestation d'un tueur ou la destruction d'un objet tout-puissant.

Lorsque les personnages sont au cœur de l'intrigue, celle-ci explore le processus de transformation interne d'un personnage (généralement dans le cadre d'un combat particulier avec lui-même), alors qu'il est aux prises avec une série d'événements.

La plupart des histoires peuvent se résumer à une seule question. Katniss survivra-t-elle aux Hunger Games ? Darcy et Elizabeth renonceront-ils à leurs folies à temps pour tomber amoureux ? Cette question représente l'arc central d'une histoire, la série d'événements qui fait avancer le récit. Arc, série, succession : ces trois termes ont la même signification et tous trois impliquent un mouvement.

Si cette question concerne un objectif physique ou externe, comme la lutte de Katniss pour survivre aux Hunger Games, alors cette histoire peut être définie comme étant axée sur l'action.

Les récits axés sur les personnages, quant à eux, présentent des arcs centraux qui interrogent des questions de nature plus interne.

Comprendre alors si votre récit est motivé par l'action ou par les personnages aura un impact énorme sur la nature de votre travail. Mais faut-il vraiment différencier entre l'action et la subjectivité ?

Les deux aspects d'une même problématique

Au cœur de l'œuvre la plus populaire de Tolkien se trouve la question de la capacité de Frodon à sauver la Terre du Milieu en détruisant l'Anneau Unique, un objectif physique qui fait clairement du Seigneur des Anneaux une histoire axée sur l'action.
Pourtant, Le Hobbit n'est pas aussi simple. Bilbon peut être confronté à une série de monstres et de chaos au cours de son voyage avec la compagnie de Thorin, mais le but des nains n'est pas nécessairement le sien.

Malgré l'attrait des richesses promises, ce n'est pas le désir de s'enrichir qui pousse Bilbon à quitter la Comté. C'est son désir d'aventure, un sentiment d'émerveillement qu'il a toujours été trop lâche pour poursuivre.

Sous l'impulsion de Gandalf, Bilbon part de chez lui à la recherche d'une chose en particulier : son courage. Bien que l'histoire puisse, au départ, ressembler à une aventure de chasse au dragon et de découverte de trésors, ce ne sont pas ces événements qui se produisent au climax (le moment qui apporte toutes les réponses) de l'histoire.

Avec l'Arkenstone en main, Bilbon doit choisir de faire ce qui est juste, malgré la trahison que ce choix entraînerait et l'incertitude que le fait de poursuivre sur cette voie empêcherait la guerre à venir. Il s'agit d'un choix personnel, et non d'une question de réussite matérielle.

Compte tenu de ce constat, Le Hobbit n'est pas l'aventure axée sur l'action qu'il semble être au premier abord. Même Tolkien qualifiait le livre de " conte de fées ", un genre célèbre pour son exploration interne et sa moralisation.

Dans le même ordre d'idées, presque toutes les histoires du Hero's Journey s'articulent autour des transformations intérieures de leurs protagonistes plutôt que de la quête extérieure bien que sans elle, le récit ne progresserait pas.

L'action (c'est-à-dire les événements) détermine les décisions des personnages et les personnages par leurs actions et leurs choix orientent l'intrigue dans telle ou telle direction. Ces deux-là sont inséparables comme les deux faces d'une même pièce. Seulement l'un de ces aspects sera plus manifeste que l'autre.

Une intention

Les histoires axées sur les personnages sont souvent source d'interrogation, d'inspiration ou de lucidité, tandis que les histoires axées sur l'action sont source de divertissement et d'évasion. Certains récits excellent même à faire les deux, mais ils ne sont en aucun cas plus légitimes que ceux qui privilégient l'un ou l'autre extrême.

Dans tous les cas, les histoires axées sur l'action sont conçues pour toucher un public spécifique, différent de celui qui préfère les histoires axées sur les personnages, indépendamment des lecteurs qui apprécient les deux.

Ainsi, comprendre ce qui anime le cœur de votre récit influencera la façon dont vous aborderez la construction de votre histoire, que vous le fassiez intentionnellement ou non. Il y a de fortes chances que vous sachiez déjà si votre ouvrage sera guidé par l'action ou les personnages. Mais si vous n'êtes pas sûr, examinez la principale source de conflit de votre histoire.

Si votre protagoniste est déterminé à vaincre un méchant spécifique (par exemple Sauron dans Le Seigneur des Anneaux, l'assassin dans Le Crime de l'Orient Express ou Voldemort dans la série Harry Potter), vous écrivez probablement une histoire qui se fonde sur l'action pour dire ce qu'elle a à dire (il peut y avoir par exemple une critique de la société sous l'action).

En revanche, si votre protagoniste est confronté à plusieurs antagonistes au cours de son périple (par exemple, les trolls, les gobelins, les wargs, les elfes malveillants et le dragon cracheur de feu que Bilbon a dû affronter) ou si votre personnage principal est lui-même son pire ennemi, vous avez probablement une histoire axée sur les personnages.

Dans les récits axés sur l'action, cela signifie affiner l'objectif de votre protagoniste, mettre le conflit externe au premier plan et se demander comment chaque scène contribue à créer ou à résoudre les obstacles sur le chemin de votre personnage.

Dans les histoires axées sur le personnage, vous vous concentrerez plutôt sur le développement du mensonge que votre protagoniste se fait en lui-même (une prise de conscience est souvent douloureuse ou bien on est sur des croyances et soudain, les yeux s'ouvrent), en plaçant le conflit interne au premier plan, et en vous demandant comment chaque scène transforme votre personnage pour le meilleur ou pour le pire.

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