La veuve Couderc

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Coin de Mire Cinéma pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « La Veuve Couderc » de Pierre Granier-Deferre.

« Ils veulent me chasser, mais cette maison, c’est la mienne ! Je l’ai gagnée à ma sueur ! »

Dans le car qui longe le canal du Centre, Jean, fuyant la police et muni de faux papiers, fait la connaissance d’une paysanne, la veuve Couderc. C’est une femme qui vieillit seule et s’acharne à conserver sa ferme, possession que la famille de son mari lui conteste. Dans la ferme d’en face, vit une fille-mère de 16 ans. Jean va les prendre comme maîtresses. Entre ces deux femmes, aux antipodes l’une de l’autre, il va connaître un bonheur condamné d’avance…

« Cette fille est une trainée. Son gosse, il n’a pas de père. Ou plutôt, il en a trop ! »

Héritier d’une tradition de cinéma classique et populaire, Pierre Granier-Deferre aura construit une large filmographie marquée par son goût pour la littérature et plus spécifiquement pour les romans contemporains. Avec une passion particulière pour l’œuvre prolifique de Georges Simenon, dont il adaptera pas moins de quatre romans pour le cinéma : « Le chat » et « La veuve Couderc » en 1971, « Le train » en 1973 et « L’étoile du nord » en 1982. Des œuvres singulières qui, à la différence de celles qui ont fait le succès de l’auteur, sont ainsi dépourvues de réelle intrigue policière. Plus intimistes, ces romans dramatiques traitent au contraire d’histoires d’amour impossibles, souvent contrariées par le monde qui gravite autour des personnages.

« Maintenant, je ne veux plus rien. Ou plutôt si. Du soleil. »

Deuxième volet de sa « trilogie du regret », « La veuve Couderc » nous narre ainsi la rencontre improbable dans un village de Bourgogne entre un jeune et mystérieux vagabond et la veuve qui le recueille. Deux personnages aux antipodes (elle a la cinquantaine fanée, lui la trentaine rayonnante) que l’on devine cabossés par la vie et qui ont en commun une même solitude qui leur colle à la peau ainsi qu’un statut de paria. Considérée comme une intruse qui s’est appropriée des terres contre leur gré, la veuve Couderc est ainsi rejetée par sa belle-famille comme par le reste de la communauté villageoise, tandis que Jean cache son statut de criminel en fuite. Mais seuls contre tous, tous deux vont nouer une étrange relation mi-amicale mi-charnelle, en dehors des normes sociales, à même de défier - et de gêner - la morale et l’ordre établi. A ce titre, le réalisateur se joue ici des apparences et des faux semblants pour dénoncer l'hypocrisie d’une société moraliste et bien-pensante. En cela, même s’ils se couvrent de légalité et de respectabilité, la belle-famille comme les chasseurs miliciens venus proposer leur aide pour la traque du fugitif semblent bien plus monstrueux et abjects que ceux qu’ils vilipendent. En creux, Granier-Deferre dresse aussi un portrait peu reluisant de cette France étriquée des années 30, qui trempe déjà dans toutes les compromissions morales (individualisme, cupidité, recherche de bouc-émissaire, dénonciation, montée en puissance du fascisme et des milices). Porté par deux acteurs en état de grâce - Delon à contre-emplois, plus minéral et sobre que jamais ; Signoret bouleversante de fragilité et de féminité contenue - « La veuve Couderc » est un formidable drame rural aussi rude que poignant.

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Le blu-ray : Le film est présenté en Haute-Définition, dans une version restaurée en 4K à partir du négatif original par StudioCanal, avec le CNC. Il est proposé en version originale française (2.0). Des sous-titres français pour malentendants sont également disponibles.

Côté bonus, la collection « La séance » propose un formidable concept : celui de reproduire les conditions d’une véritable séance d’époque. En mode « Séance complète », le film sera ainsi précédé des authentiques actualités Pathé de la semaine de sortie du film ainsi que de publicités et bandes-annonces d’époque, le tout en HD. En mode film seul, « La veuve Couderc » se lancera directement. Le film est également accompagné d’une passionnante interview du réalisateur Pierre Granier-Deferre (2003, 45 min.).

Edité par Coin de Mire Cinéma, « La veuve Couderc » est disponible depuis le 4 décembre 2020 dans une très belle édition Digibook, limité à 3000 exemplaires numérotés, comprenant le blu-ray + le DVD du film ainsi qu’un livret reproduisant  des documents d’époque (24 pages), 10 reproductions de photos d’exploitation (15,5 x 11,5 cm) et la reproduction de l’affiche d’époque (29 x 23 cm). Un très bel objet qui ravira tous les cinéphiles.

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