Malcolm & Marie (2021) de Sam Levinson

Alors en plein confinement Covid, Sam Levinson, réalisateur-scénariste des films "Another Happy Day" (2011) et "Assassination Nation" (2018), se voit proposer par Zendaya, alors son actrice principale de sa série TV "Euphoria" (2019-...) dont il est producteur-cérateur-réalisateur-scénariste, de faire un film ensemble. Partant le cinéaste s'inspire de sa propre vie à savoir une dispute avec sa conjointe après avoir omis de la remercier lors d'un discours au moment de la Première de son film "Assassination Nation" ! Ironie du sort, Sam Levinson produit à la même période le film "Pieces of a Woman" (2021) de Kornel Mundruczo sur une autre crise conjugale même si l'origine et le fond est bien plus tragique. Sam Levinson porte donc logiquement la triple casquette producteur-réalisateur-scénariste pour une histoire en huis clos réunissant uniquement deux acteurs, Zendaya et John David Washington qui sont aussi co-producteurs du projet...

Malcolm & Marie (2021) de Sam Levinson

Après une avant-première de son dernier film, un cinéaste rentre chez lui avec sa petite amie. Fier de son film et auréolé de premiers échos favorables il s'attend à terminer la soirée tranquille et tendre mais la soirée prend finalement une tournure à laquelle il ne s'attendait pas : sa conjointe lui reproche d'abord d'avoir oublier de la remercier lors de son discours, ce qui va amener forcément à crever d'autres abcès... Le couple est donc incarné par deux jeunes vedettes, qui n'a pas encore réellement percer au cinéma malgré son rôle d'amie dans les derniers (2017-2019) de Jon Watts, un rôle dans "The Greatest Showman" (2017) de Michael Gracey et en attendant une reconnaissance future peut-être avec le prochain et attendu "Dune" (2021) de Denis Villeneuve, puis John David Washington fils de la star Denzel Washington révélé dans le très bon "Blackkklansman" (2018) de Spike Lee et confirmé avec le plus décevant (2020) de Christopher Nolan... La dispute au sein d'un couple est un thème récurrent au cinéma et une vraie source d'inspiration même si c'est souvent en parallèle d'une vraie séparation ou divorce mais on peut aussi citer quelques films où la dispute "classique" frôle la relation toxique comme "Qui a peur de Virginia Woolf ?" (1967) de Mike Nichols, "Le Chat" (1971) de Pierre Granier-Deferre, "Scènes de la Vie Conjugale" (1973) de Ingmar Bergman ou même "La Guerre des Roses" (1990) de Danny De Vito. Le film se déroule entièrement en huis clos, dans une demeure luxueuse qui s'avère être la Caterpillar House (photo ICI !), qui aurait dû être le troisième personnage, en effet une telle architecture, moderne et très urbaine, aurait dû être exploité comme un troisième personnage alors que la maison n'est qu'accessoire et jamais mise en valeur. Mais si on se focalise sur l'histoire, pourquoi pas, le fond reste bien le conflit conjugal qui est filmé en temps réel, soit une dispute de près de 1h45 qui se découpe quasiment comme 15mn de crise suivis 5mn d'intimité et/ou de tendresse puis 15mn de crise suivis de... etc... et ainsi de suite.

Malcolm & Marie (2021) de Sam Levinson

Ce qui est agaçant c'est d'abord ce sentiment constant que madame cherche la petite bête pour pas grand chose, car dès qu'on semble dans la réconciliation elle relance une salve à laquelle monsieur se doit de répondre constamment alors même que toujours la Marie se tire une balle dans le pied à chaque relance. Ca tourne en boucle sur des attaques et reproches souvent anecdotiques ou si peu graves que ça en est irritant. Ce qui amène à n'avoir que peu d'empathie pour elle tant elle fait immature et tête à claques. Elle se retrouve donc constamment prise en défaut face à un homme simplement heureux de ce qui lui arrive et qui se retrouve souvent avec les armes pour qu'elle ne puisse plus lui reprocher, et donc madame trouve un nouveau reproche... Ce qui est lassant voir fatiguant pour lui comme pour le spectateur. Mais à y regarder de plus près, ou plutôt à écouter un peu mieux on s'aperçoit que le propos est un peu plus profond, c'est-à-dire que Levinson se sert de la dispute pour philosopher et porter réflexion sur un autre sujet. La dispute s'avère donc un prétexte facile mais efficace pour parler de créativité, de rapport à l'art et surtout au processus de création avec sa dose de narcissisme nécessaire tout en profitant pour insister un peu lourdement sur le racisme anti-noir et un peu plus judicieusement sur le male gaze (nouveau terme stupide sur le regard masculin... blablabla...). Mais si on comprend le processus et le concept il n'en demeure pas moins qu'on a du mal à adhérer tant le conflit conjugal originel est maladroit voir parfois horripilant. La construction très régulier et trop méthodique (dispute et rapport de force, puis réconciliation express et rebelote) plombe un peu le fond plus intéressant qui est en filigrane. Evidemment il y a un très beau Noir et Blanc bien stylé, les deux acteurs sont tout aussi séduisants et le charme de l'ensemble est assez envoûtant mais il est très dommage que la forme aussi inspirée soit-elle ne soit pas raccord avec un scénario qui s'emmêle un peu les pinceaux. En conclusion, un film esthétiquement beau, aux propos intéressants mais soit peu approfondis ou peu exploités, et surtout avec un décalage femme-homme préjudiciable. Une petite déception au vu des idées et du potentiel.

Malcolm & Marie (2021) LevinsonMalcolm & Marie (2021) Levinson