One Night in Miami (2021) de Regina King

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Premier long métrage pour Regina King connue jusqu'ici comme actrice, d'abord révélée dans "Boyz N the Hood" (1991) de John Singleton, vue depuis dans "Ennemi d'Etat" (1998) de , "Ray" (2004) de Taylor Hackford et plsu récemment dans "Si Beale Street pouvait Parler" (2018) de Barry Jenkins pour lequel elle a reçu l'Oscar du meileur second rôle féminin. Pour son premier film en tant que réalisatrice afro-américaine elle a choisi d'adapter la pièce de théâtre éponyme (2013) de Kemp Powers, encore méconnue sans doute mais qui s'est fait remarqué il y a peu en co-signant le film d'animation Pixar "Soul" (2020) de Pete Docter. Avant cette expérience, l'auteur avait donc écrit cette pièce qui s'inspire d'un fait réel, la soirée et la nuit qui a suivi le match de boxe où Cassius Clay fut titré champion du monde, soiré organisée avec ses trois amis et icônes afro-américaines, la star de la chanson Sam Cooke, le champion de football américain Jim Brown et le leader Malcolm X. Le film a reçu trois nominations aux Golden Globes 2021, ce qui est plutôt de bon augure pour les Oscars qui suivent... Miami, 25 février 1964, le jeune Cassius Clay devient champion du monde pour la première fois. Pour fêter sa victoire, il est prévu qu'il soit rejoint par trois de ses plus proches amis, trois stars dans leur domaine, Malcolm X leader de sa communauté, membre imminent de Nation of Islam, soutien spirituel de Cassiius Clay, et Sam Cooke une des plus grandes stars de la chanson du moment, et Jim Brown meilleur joueur de footbal américain de sa génération. Ils se rejoignent dans la chambre d'hôtel de Malcolm X qui est surveillé par le FBI, et si tout semble démarrer pour le mieux, la discussion s'emballe un temps soit peu quand Cassius Clay annonce sa converstion à l'Islam ce qui va pousser chacun à prendre position et à évoluer chacun selon leurs idées et principes...

Le leader de la cause noire Malcolm X est incarné par Kingsley Ben-Adir aperçu auparavant dans les films "Le Roi Arthur : la Légende d'Excalibur" (2017) de Guy Ritchie et "The Passenger" (2018) de Jaume Collet-Serra. Cassius Clay futur Mohamed Ali est interprété par Eli Goree aperçu dans le film "La Couleur de la Victoire" (2016) de Stephen Hopkins mais surtout remarqué dans la série TV "Riverdale" (2018-2019). Le chanteur vedette Sam Cooke est joué par le jazzman Leslie Odom Jr. vu dans (2019) de Kasi Lemmons et "The Many Saints of Newark" (2020) de Alan Taylor. Puis le champion de foot US Jim Brown est incarné par celui qui est peut-être le plus connu chez nous, Aldis Hodge vu dans les films "NWA : Straight Outta Compton" (2015) de F. Gary Gray, "Jack Reacher : Never Go Back" (2016) de Edward Zwick, "Les Figures de l'Ombre" (2017) de Theodore Melfi et dernièrement "Invisible Man" (2019) de Leigh Whannell. S'il s'agit en grande partie d'un huis clos, citons tout de même un "frère" de Nation of Islam joué par Lance Reddick vu dans le remake (2013) de Spike Lee et dans la trilogie (2014-2017) de Chad Stahelski, puis le coach de Cassius Clay interprété par Michael Imperioli qui retrouve ainsi son partenaire Lance Reddick après "Old Boy", l'acteur étant d'ailleurs un fidèle de Spike Lee pour qui il a tourné de nombreux films dont, ironie du sort, le biopic "Malcolm X" (1992). Pour finir citons une apparition de l'acteur Beau Bridges, vu dans des films comme "Norma Rae" (1979) de Martin Ritt, "Jerry Maguire" (1996) de Cameron Crowe, "The Good German" (2006) de Steven Soderbergh et plus récemment dans (2018) de Mélanie Laurent ; à noter qu'il joue avec sa propre fille Emily Bridges lors de la scène... Le film s'ouvre sur un prologue où on nous présente les quatre protagonistes, sortes de courts métrages où on comprend qui ils sont, dans quel contexte ils vivent, leur statut d'alors. Si on peut trouver le procédé un peu trop explicatif (quatre icônes de ce calibre pas besoin pourrait-on penser !), cette partie recèle bien des indices intéressants et qui permet de bien s'immerger dans une année 1964 charnière pour ces quatre stars. Ce début reste donc particulièrement intéressant même si un peu scolaire dans la forme. Mais surtout rappelons que si cette nuit particulière a réellement eu lieu l'auteur a imaginé le contenu, à savoir qu'est-ce que ces quatre icônes afro-américaine ont-ils bien pu se dire en pleine ségrégation alors que les quatre amis sont quasiment à l'apogée de leur carrière, ou à un tournant fatidique de leur destin ?!

La vraie force du film réside en deux points : une reconstitution minutieuse du contexte politico-social, et la partie "imaginaire" soit ce qu'il a fallu "deviner" pour étoffer une soirée mythique mais toujours nimbée d'une mystère presque fantasmagorique. Kemp Powers signe une partie quator certe fictive sur le fond mais dont le contenu reste parfaitement réaliste, dont les sujets abordés semblent logiques, et dont le déroulé paraît toujours pertinents et/ou compréhensibles. C'est la grande force du film. Mais ce qui impressionne ce sont tous les détails vérifiables, les faits avérés qui sont distillés et incorporés aux dialogues ce qui donne inévitablement une force légitime au film. Pour en savoir plus sur cet événement je ne peux que vous conseiller d'approfondir la nuit du 25 au 26 février 1964 (Tout savoir ICI !). Le matériau de base est solide donc, historiquement fiable et inspiré et on comprend sans mal que Regina King se soit emballée pour ce scénario. Niveau mise en scène la cinéaste a su faire revivre cette nuit, s'attachant à recréer des plans icôniques (il existe des photos) sans pour autant trop calqué, ni trop s'engoncer dans une posture docu-fiction. Le côté théâtre filmé est judicieusement arasé grâce à des séquences hors de la chambre, comme le domcile de Malcolm X, le toit de l'hôtel, la cabine téléphonique ce qui crée un climax à la fois tendu et une liberté qui tend les bras. Sans chercher à épater la galerie donc, Regina King signe une mise en scène avant tou au service de l'histoire. Par contre, on peut déceler quelques décalages entre les quatre personnages, si on n'a aucun mal à imaginer l'exubérant égo de Cassius Clay qui devait prendre sa place, on imagine par contre un peu mal de voir un Jim Brown si discret et/ou si serein pour ne pas dire effacé ou en tous cas sous-exploité. Mais on salue la qualité du casting, physiquement le rapport acteur/personnage est excellent, et les acteurs sont au diapason même si la séquence de la chanson télévisée sonne faux dans la performance de Sam Cooke/Odom Jr. qui en fait un peu trop. Néanmoins Regina King signe un film solide et surtout diablement passionnant de bout en bout malgré une conlusion finale centré uniquement sur Malcolm X. Ainsi rappelons tout de même qu'après ce 25 février 1964... Sam Cooke sera assassinée de façon mystérieuse en décembre 1964 en pleine gloire, Malcolm X suit de près assassiné à son tour quasi jour pour jour un an après, Cassius Clay devient Mohamed Ali une des plus grandes légendes de la boxe avant de mourir "seulement" en 2016, puis enfin Jim Brown qui prendra sa retraite sportive en 1965 pour devenir un acteur qu'on appréciera particulièrement dans des films aussi divers que "Les 12 Salopards" (1967) de Robert Aldrich, "Les 100 Fusils" (1969) de Tom Gries, "Mars Attacks !" (1996) de Tim Burton avec un retour dans le footbal américain dans "L'Enfer du Dimanche" (1999) de Oliver Stone...