Le Lac aux Oies Sauvages (2019) de Diao Yi'nan

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Retour d'une des réalisateurs chinois les plus intéressants (ce qui ne veut pas dire forcément génial !) de ces dernières années. Diao Yi'nan montait en puissance après "Uniforme" (2003), "Train de Nuit" (2007) et surtout (2014) lauréat de l'Ours d'Or du meilleur film à la Berlinale 2014. Il a eu l'idée du film à l'époque du tournage de son Film Noir "Black Coal", en lisant l'article qui relatait un fait divers sur une association, une "Assemblée Nationale de voleurs" qui s'est tenue en 2012 à Wuhan (on n'en dira pas plus sur la funeste coïncidence !) : "Quand j'ai lu cette histoire, j'ai éclaté de rire et j'ai trouvé que ça ferait une scène formidable, satirique au possible" ; à croire que le réalisateur-scénariste a appris l'existence des organisations criminels avec cet article ! Au vu du succès de son précédent film, un Film Noir, rien de plus logique pour le cinéaste de poursuivre dans ce genre en y injectant du "Jianghu", mot qui désigne les films sur les marginaux de tout horizon. Précisons que ce film a été élu meilleur polar étranger au Festival Polar de Cognac 2019...

Suite à un règlement de compte avec entre membre d'une même organisation, les représailles poussent Zhou Zenong à abattre un policier par erreur et doit fuir. Alors qu'une véritable chasse à l'homme s'engage Zhou rencontre une prostitutée à qui il demande de l'aider pour le dénoncer afin que son épouse qu'il a abandonné depuis des années touche la récompense... Le personnage principal est Hu Ge, star très populaire en Chine grâce à de nombreuses séries TV, moins connu à l'international il aura été vu néanmoins dans le film (2011) de et avec Jackie Chan. L'épouse est interprétée par Wan Qian vue dans "The Laundryman" (2015) de Chung Lee et "Hide and Seek" (2017) de Liu Jie, puis la prostituée est incarnée par Kwai Lun-Mei grande star vue dans des films aussi divers que "The Insider" (2011) de Dante Lam, "Drug War" (2012) de Johnnie To et qui retrouve Diao Yi'nan après "Black Coal". Citons ensuite Qi Dao qui retrouve le réalisateur également après "Train de Nuit" et vu dans "Judge" (2009) de Liu Jie, puis l'inspecteur en charge de l'enquête incarné par Liao Fan qui était aussi dans "Black Coal" et vu autrement dans "Chinese Zodiac" (2012) de et avec Jackie Chan et plus récemment dans "Les Eternels" (2018) de Jie Zhangke... On reconnaît l'esthétique et le style du cinéaste dans la même lignée que son "Black Coal" avec surtout et une nouvelle fois la sublime photographie de Dong Jingsong, fidèle du réalisateur depuis les débuts. On n'est par contre pas très séduit par un prologue très classique qui mène alors forcément à "attend que je te raconte", "il était une fois" le concept du flash-back.

Si le flash-back n'est pas rédhibitoire en soi le réalisateur le mets en place de façon un peu abrupt dans un premier temps, et ensuite nous perd un peu quand il faut revenir à un récit plus linéaire. Niveau lecture c'est donc peu attrayant au début malgré une assemblée de malfaiteurs dont on se demande s'il faut en rire tant le professionnalisme n'est pas flagrant. Mais doucement le scénario se construit malgré tout et on finit par s'attacher, mais surtout aux deux femmes qui sont finalement deux victimes des hommes ; la première est une prostituée avec les conséquences habituelles dues à sa condition, la seconde est une épouse abandonnée. Sinon les hommes sont tous des brutes plus ou moins avoués ou assumés, et peu semblent avoir un minimum de jugeotte. On frôle souvent le burlesque alors même qu'on sent plutôt le sérieux du cinéaste dans son projet, rappelant même que son film est réaliste. Diao Yi'nan précise ainsi que le système des baigneuses sont des prostituées bon marché qui existent bine dans les cités balnéaires, et que la scène du zoo est directement basée sur un fait réel d'un évadé caché dans un zoo. Si le réalisateur est assurément sincère et inspiré on reste pas franchement convaincu par tous ses choix qui créent un film dont on ne sait pas s'il faut en rire ou en pleurer. Oscillant constamment le Film Noir, l'ironie, ou satire sur la forme, le drame etc... on ne sait jamais ce que vaut franchement raconter le réalisateur-scénariste. On penche ensuite pour un film sincère sur le fond mais parasité par de vraies maladresses comme la plus risible avec "le coup du parapluie" qui est d'un grotesque malheureux puisqu'on en rit alors même que ce n'est certainement pas le but recherché. Le film surnage grâce au climax général, aux deux personnages féminins et à une fin savoureuse.

Note :