Arctic (2019) de Joe Penna

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Premier long métrage pour Joe Penna, un guitariste inconnu et un youtubeur qui l'est un peu plus avec sa chaîne "MysteryGuitarMan" qui totalise tout de même près de 3 millions d'abonnés. Le cinéaste est brésilien et son expérience dans le domaine se résume à des réalisations et/ou scénarios et/ou à jouer l'acteur dans quelques séries et courts métrages comme "Behond the Glasses" (2012), "Internet Icon" (2012) et "Beyond" (2015). Des oeuvres souvent créées en collaboration avec Ryan Morrison qu'il retrouve sur ce long métrage comme co-scénariste. Joe Penna a eu l'idée du film après avoir vu un documentaire sur Mars et sa version habitable, il se serait alors demandé comment on pourrait survivre dans un environnement hostile. Une telle explication est plutôt amusante car on pourrait croire qu'en fait il a confondu son documentaire avec le long métrage "Seul sur Mars" (2015) de Ridley Scott ! Outre ce léger sarcasme on peut rappeler que l'idée de Joe Penna a déjà inspiré de très très nombreux réalisateur, on pense forcément aux films "Les Survivants" (1993) de Frank Marshall, "Seul au Monde" (2001) de Robert Zemeckis, (2011) de Danny Boyle, "Le Territoire des Loups" (2012) de Joe Carnahan, "The Revenant" (2016) de Alejandro Gonzales Inarritu et surtout "La Montagne entre Nous" (2017) de Hany Abu-Assad.

Malheureusement on constate que Joe Penna a surtout pioché dans la plupart de ces films. À noter que le film est réalisé par un brésilien mais est une production islandaise, tournée en Islande avec une équipe essentiellement islandaise... En Arctique, alors que la température est en-dessous de zéro de plusieurs dizaines de degrés, un homme a survécu à un crash d'avion et tente de s'organiser pour attendre les secours. Alors qu'enfin un hélicoptère le voit et tente de le secourir la tempête rend difficile le secours et va même jusqu'à créer un nouveau crash. L'homme secoure les passagers mais seule une femme survit bien que gravement blessée et quasi inconsciente. L'homme doit désormais s'organiser autrement pour qu'elle puisse survivre. Cette fois le choix est de partir à travers des étendues de neige et de glace pour tenter une jonction avec la base qui paraît la plus proche... Au vu du speech le casting est particulièrement restreint, un rôle principal et un rôle secondaire. Le héros est incarné par le danois Mads Mikkelsen vu récemment dans le très bon (2020) de Thomas Vinterberg mais à l'époque voulait-il un film plus intimiste après les deux blockbusters "Doctor Strange" (2016) de Scott Derrickson et "Rogue One : a Star Wars Story" (2016) de Gareth Edwards. Pour l'accompagner dans l'aventure le choix s'est porté sur l'actrice islandaise Maria Thelma Smaradottir aperçue la première fois dans le film "Black's Game" (2012) de Oskar Thor Axelsson et connue en Islande pour la série TV "Prisoners", "Fangar" en V.O. (2017-...)... Le tournage a été très compliqué au vu des conditions extrêmes réellement subies par l'équipe dont un Mads Mikkelsen qui déclarera ensuite qu'il s'agit du tournage le plus difficile de sa carrière. Le grand Nord arctique est en fait filmé en Islande dans sa partie nord, donc arctique. Le tournage a duré 19 jours dans les conditions extrêmes, sans effets spéciaux ou images de synthèse ce qui donne une dimension singulière et forcément authentique et réaliste à l'histoire. Seul au monde, l'homme s'est créé un planning afin de tenir le choc, psychologiquement, comme s'obliger à émettre un signal à intervalle régulier, préparer une réserve de nourriture... etc...

Il est alors tout à fait logique que les dialogues/monologues soient si rares, l'homme n'étant clairement pas assez fantaisistes pour se la jouer Robinson façon Tom Hanks dans "Seul au Monde". Le réalisateur-scénariste s'attache à rester dans un récit très réaliste et naturaliste, rien ne semble hors sujet ou hors logique, l'homme fait tout pour rester lucide malgré son isolement. Le scénario s'étoffe tout aussi logiquement quand arrive une seconde protagoniste même si elle demeure une charge et un fardeau bien malgré elle. Les dialogues/monologues se font un chouïa plus nombreux, mais ils restent rares et parcimonieux, toujours utiles et même nécessaires. Mais au fur et à mesure on s'aperçoit qu'il manque une chose essentielle, c'est qu'on n'apprend jamais rien sur cet homme, rien du tout alors même qu'on apprend des choses sur la pilote survivante alors qu'elle est quasi fantomatique. Sans pour autant en raconter trop, il aurait été judicieux d'avoir quelques indices pour qu'on puisse s'attacher un peu à cet homme monolithique, voir mutique même s'il est incarné de façon magistrale par un Mads Mikkelsen investit et émouvant dont le regard bleu acier est une fenêtre imprenable sur sa condition de survivant. Par là même le réalisateur aurait pu mettre en valeur le paysage de façon plus onirique et/ou contemplatif afin d'imposer l'immensité infinie des glaces. Au lieu de ça le cinéaste prouve surtout qu'il a su ingurgité et assimilé les autres films du genre, de son inspiration martienne (le film "Seul sur Mars") au couple qui doit retrouver la civilisation après un crash ("La Montagne entre Nous") en passant par le membre coincé ("127 heures")... etc... Joe Penna fait surtout montre d'un beau pragmatisme. Néanmoins, malgré une intrigue qui tient sur un timbre-poste, le scénario est semé de détails qui nous immerge dans une belle leçon de survie, et surtout sur l'instinct de survie avec un Mads Mikkelsen inouï qui n'a rien à envier à un certain Di Caprio dans "The Revenant". Le réalisateur signe un film efficace, bien ficelé à défaut d'être original et à défaut d'être doté d'une vraie personnalité. Un bon moment.