[CRITIQUE] : Mosquito State

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Filip Jan Rymsza
Avec : Beau Knapp, Charlotte Vega, Jack Kesy, Olivier Martinez, Audrey Wasilewski,...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Polonais, Américain.
Durée : 1h40min.
Synopsis :
Août 2007. Richard Boca, un analyste de Wall Street qui réside seul dans un appartement luxueux avec vue imprenable sur Central Park, exploite sans relâche des données financières et commence à avoir de sinistres visions. Ses modélisations informatiques se comportent de manière désordonnée alors que des nuées de moustiques envahissent son penthouse. Ces manifestations étranges commencent à jouer sur sa santé mentale…


Critique :

Cauchemar stagnant, fusion fiévreuse et perverse entre La Mouche, The Big Short et (surtout) Bug, #MosquitoState convoque une horreur psychique et corporelle inconfortable pour mieux nourrir une intrigue schizophrénique et paranoïaque, sur les limites de notre société anxiogène. pic.twitter.com/R5cWntgHei

— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) January 27, 2021

Il y a des films qui sont uniquement fait dans le pur but de vous divertir coûte que coûte, de vous faire passer un bon moment, même si cela rime avec un plaisir pour le moins coupable, voire profondément régressif.
Et il y en a d'autres, qui essayent de capter votre attention non pas en la charmant, mais en la piquant de manière à ce qu'elle reste marqué (que soit agréablement ou désagréablement) même après le générique de fin...
Comme Mosquito State, troisième long-métrage de Filip Jan Rymsza, potentiellement la séance la plus Cronenbergien de cette cuvee 2021 de Gérardmer - avec l'hommage filial de son propre rejeton Brandon, Possessor.

© Royal Road Entertainment


Une expérience férocement exigeante qui demande un certain temps à son auditoire, pour en apprécier tous les détails de son intrigue crépusculaire sur la folie et l'écosystème financier de la société contemporaine.
Catapulté à l'aube de la crise financière de 2007, la plus importante depuis la Grande Dépression, alors que tout un pan de la bourgeoisie se pensait encore invincible (Wall Street s'étant même toujours cru capable de prédire l'avenir, les flux monétaires étant faussement considérés comme des voyants modernes), on y suit Richard Boca, dont l'algorithme artisanal a permis à son entreprise d'amasser une somme d'argent proprement démesuré.
Un Wall Street man solitaire, asocial et incapable d'avoir la moindre interaction avec des collègues constamment obsédés par leurs statuts, mais qui va nouer une relation trouble avec un moustique femelle, qui s'est un soir cachée à l'intérieur du col de sa chemise...
Engoncé dans un cauchemar stagnant, fusion fiévreuse et perverse entre La Mouche de Cronenberg (avec un fétichisme assez dérangeant pour les moustiques), The Big Short de McKay et même (surtout) Bug de Friedkin, Mosquito State convoque une horreur psychique et corporelle inconfortable, entre le non-sens assumé, l'ordre (faussement) familier et le chaos, pour mieux nourrir une intrigue schizophrénique et paranoïaque ne sachant pas forcément toujours sur quel pied vraiment danser - mais qui connaît joliment bien la chanson.

© Royal Road Entertainment


Trop guindé et lisse pour incarner une bisserie enthousiaste, trop ironique (voire même caricatural) et conscient de ses effets pour être une étude sincère sur la folie mentale, l'effort n'en reste pas moins une expérience elliptique à part, un regard féroce et impuissant sur un monde tellement vorace qu'il n'a jamais conscience qu'il se dévore lui-même, cloué dans le cerveau détraqué d'un génie.
Totalement vissé sur un Beau Knapp qui performe admirablement bien son récital Shannonien absolument dément (on croirait revoir le Michael Shannon de Bug, vraiment, tant son dévouement est extrême), Mosquito State est une oeuvre à part, sorte de body horror poético-glauque esthétiquement léché (coucou David Lynch), un trip halluciné et glacial sur les limites de notre société anxiogène, déshumanisée et totalement tourné vers la productivité de masse.
Jonathan Chevrier