blue collar

Un grand merci à Elephant Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Blue collar » de Paul Schrader.

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« Je suis là pour t’aider dès que je peux le faire. Sans cela, le syndicat n’a pas lieu d’être »

Trois ouvriers et amis, Zeke, Jerry et Smokey, travaillent dans une usine de voitures à Détroit. Une nuit, ils ont l’idée de voler le bureau du syndicat local. D’abord, ils pensent que c’est un échec, car ils ne dérobent que 600 dollars, mais Zeke se rend compte qu’ils ont aussi obtenu certains documents compromettants. Ils décident alors de faire chanter le syndicat, provoqués par le fait que ce dernier revendique avoir perdu 10 000 dollars à la suite de leur vol…

« Tu peux toujours braquer le syndicat. Au fond, ils s’en foutent de nous. ça reviendrait à récupérer ce qui nous revient de droit »

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De Paul Schrader on connaît principalement les talents de scénariste. C'est que cet ancien critique de cinéma, connu pour être un fin cinéphile, fut l'une des grands compagnons de route du Nouvel Hollywood. Il traversa ainsi la décennie des seventies porté par un succès des plus insolents. Et pour cause, il peut se vanter d'avoir signé les scénarios de quelques-uns des plus grands classiques de l’époque tels que « Yakuza » (Syndey Pollack, 1975), « Obsession » (De Palma, 1976), « Rencontre du troisième type » (Spielberg, 1976), ou encore l’excellent « Rolling thunder » (Flynn, 1977). Mais sa collaboration la plus fructueuse sera sans doute celle avec Martin Scorsese pour qui il écrira les scénarios de « Taxi driver » (1976), « Raging bull » (1980) ou encore « La dernière tentation du Christ » (1988). Un succès qu'il ne retrouvera étonnamment pas en tant que réalisateur. Et ce malgré une vingtaine de films à son actif, dont les plus célèbres restent sans doute ses hits des années 80 (« Américain gigolo », « La féline »). Réalisé en 1978, « Blue collar » marque ainsi ses débuts de réalisateur.

« La compagnie ferait tout pour nous garder sous son joug : elle oppose la nouvelle recrue à l’ancienne, le vieux au jeune, le blanc au noir, pour que chacun d’entre nous reste à sa place. La politique, ça change que dalle. C’est l’argent qui fait la différence »

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Des débuts marqués par l’influence du Nouvel Hollywood - qui a pourtant déjà amorcé son déclin - de par le choix de son sujet, bien ancré dans un certaine réalité sociale de l’Amérique de cette fin des seventies. En l’occurrence, il prend pour décor la communauté ouvrière de Détroit et de sa puissance industrie automobile. Là, sur fond de précarité, trois amis ouvriers décideront, pour des motifs différents (besoin de reconnaissance, d'argent, revanche sociale) de braquer le coffre du syndicat local. Sans savoir qu'ils y trouveront non pas de l'argent mais des documents compromettant sur des malversations. De quoi se lancer dans un jeu dangereux de chantage. A l'évidence, l'ombre de Jimmy Hoffa, célèbre syndicaliste controversé assassiné trois ans plus tôt, flotte sur le film. Mais toute l'intelligence du scénario de Schrader sera de parvenir à capter ce sentiment prégnant de désillusion et de défiance du petit peuple envers des institutions considérées comme dévoyées, symbole d’une société dysfonctionnelle. Ici, ce sont clairement les syndicats qui sont pointés du doigt, telles des organisations dévoyées, davantage au service vers le profit de leurs dirigeants que vers la défense de leurs affiliés. En cela, le film ne se prive pas de nous montrer leur immoralité au cours de quelques scènes particulièrement savoureuses (la remontrance téléphonique dans le vide, la pseudo négociation pour défendre un ouvrier fort en gueule). Mais surtout, le réalisateur développe sur cette base particulièrement riche une intrigue oscillant en permanence entre drame social et film noir, qui se conclut d’une manière délicieusement cynique, dans un final où chaque personnage finit par montrer son vrai visage et où la solidarité n’existe plus. « Blue collar » est ainsi un formidable pamphlet contre les dérives de cet hyper capitalisme et le règne de l’argent roi qui finit par diviser les hommes en les mettant toujours plus en concurrence. Un film puissant et, hélas, toujours d’actualité.

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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un nouveau Master Haute-Définition, en version originale américaine (1.0) ainsi qu’en version française (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation par Jean-Baptiste Thoret (49 min.) ainsi que « Les Hommes du syndicat » : document de Julien Comelli et Erwan Le Gac (24 min.) et de Bande-annonce. Un livret exclusif de Stephen Sarrazin (12 pages) vient avantageusement compléter cette édition.

Edité par Elephant Films, « Blue collar » est disponible en DVD ainsi qu’en combo blu-ray + DVD depuis le 7 juillet 2020.

La page Facebook d’Elephant Films est ici.