Jungle fever

Un grand merci à Elephant Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Jungle fever » de Spike Lee.

Jungle_fever

« Paullie est un gentil garçon. Je l’aime bien. Mais c’est un garçon du quartier et moi je rêve d’en partir »

Flipper Purify est un architecte brillant dont la vie n’est que réussite. Il est un homme marié et comblé. Lorsqu’il rencontre Angela, sa nouvelle secrétaire intérimaire, sa vie bascule. Il tombe amoureux et entretient une liaison. Son amour se heurte aux différences sociales et au racisme : il est noir, elle est blanche, leur union est des plus compliquées pour leur entourage…

« Tu as trompé ta femme avec une blanche ? C’est plus qu’une information, c’est une bombe ! Hiroshima à côté, c’est rien qu’un petit pétard ! »

Jungle_fever_Wesley_Snipes

En ce début des années 90, Spike Lee est l'étoile montante du cinéma indépendant américain. Quatre film auront suffit à faire de lui un cinéaste a part et remarqué dans le paysage cinématographique américain. Il faut dire qu'il est le premier cinéaste à mettre réellement en lumière le quotidien de la communauté afro-américaine et a s’interroger sur la place qui lui est dévolue au sein de la société américaine. Ses deux précédents films (« Do the right thing », « Mo’ better blues ») ont ainsi été sélectionnés en compétition, respectivement à Cannes et à Venise. Tourné en 1991, « Jungle fever » marque un moment charnière, dans la lignée de « Do the right thing », où son cinéma se politise et se met à dénoncer ouvertement les discriminations et le racisme qui minent la société étasunienne. Une préoccupation qui le poussera ensuite à tourner « Malcolm X », portrait du célèbre activiste qui sort sur les écrans a l'heure où le cinéma américain examine son Histoire récente et se passionne pour ses figures politiques controversées (« JFK » et « Nixon » de Stone notamment). 

« Ce n’est pas parce qu’un frère sort avec une blanche qu’il n’est plus digne de confiance ! »

Jungle_fever_Samuel_L_Jackson

Pour son cinquième long-métrage, le prolifique Spike Lee choisit de nous plonger dans la fièvre de la jungle. La jungle ? ça pourrait être la société américaine dans son ensemble : un patchwork de communautés distinctes et souvent antagonistes qui cohabitent sans trop chercher à se mélanger, et dont la ville de New York pourrait être le parfait symbole. C’est là que vit Flipper, brillant architecte et respectable chef de famille, dont la réussite aurait a priori tout de la success story américaine idéale. Sauf que selon le cinéaste, en Amérique, ce n’est pas tant le talent qui compte. La couleur de peau et les origines suffisent à définir votre condition. Et quoi qu’il puisse faire, Flipper ne parviendra jamais vraiment à échapper au ghetto. Au travers des tourments d’un homme en proie au doute et à la crise de la quarantaine, Spike Lee filme la réalité d’une société américaine rongée par un racisme omniprésent et protéiforme. Pour le héros, cela se traduit par exemple par une absence de promotion professionnelle et sociale, ou encore par des contrôles de police arbitraires et abusifs. Pour sa maitresse Angela et son ami Paullie, tous deux issus de la communauté italienne, cela se matérialisera par des humiliations et des coups donnés par leurs proches au prétexte de leurs sentiments pour des afro-américains. Mais l’intelligence du propos du cinéaste est bien de ne pas faire de l’intolérance l’apanage d’une seule communauté. Italiens et afro-américains rivalisent ainsi de bêtise et de violence. Dans tous les cas, il signe un portrait sans fard d’une Amérique rongée par l’intolérance et les inégalités (terrible scènes où il montre la pauvreté des quartiers noirs et la déchéance de ces junkies poussés dans la drogue par désœuvrement) qui, hélas, au vue des récents faits divers  tragiques, n’a semble-t-il pas beaucoup évoluée sur la question. Une œuvre d’une rare acuité et d’une redoutable puissance, portée par un remarquable casting (Wesley Snipes, Annabella Sciorra, Samuel L. Jackson, John Turturro, Anthony Quinn, Ruby Dee, la débutante Halle Berry...).

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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un nouveau Master Haute-Définition, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’un Making of, d’une présentation par le journaliste Regis Dubois (auteur de « Spike Lee, un cinéaste controversé ») ainsi que de Bandes-annonces d’époque. Un livret exclusif de 32 pages signé Rémi Sarrazin vient avantageusement compléter cette édition.

Édité par Elephant Films, « Jungle fever » est disponible en DVD ainsi qu’en combo blu-ray + DVD depuis le 7 juillet 2020.

La page Facebook d’Elephant Films est ici.