Miss Revolution (2020) de Philippa Lowthorpe

Un film féministe qui annonce la révolution alors même que le titre en V.O. est bien plus subtil avec "Misbehaviour" soit littéralement "mauvaise conduite". Un film féministe à tel point qu'on retrouve derrière un duo de productrices, Sarah-Jane Wheale et Suzanne Mackie qui était respectivement derrière les films "Coeurs Ennemis" (2019) de James Kent et "Dark River" (2018) de Clio Barnard, tandis que le reste de l'équipe est majoritairement féminine. Le film s'inspire du concours particulièrement mouvementé Miss Monde 1970 (Tout savoir ICI !). Le scénario est signé Rebecca Frayn qui réalise régulièrement des documentaires notamment pour la BBC et qui a écrit le film (2011) de Luc Besson, puis Gaby Chiappe qui travaille essentiellement pour la télévision et qui a signé le film "Une Belle Rencontre" (2016) de Lone Scherfig toujours inédit en France. La réalisation est également confiée à une femme, Philippa Lowthorpe, surtout connue pour son travail à la télévision et qui a sans nul doute été choisie pour ses "dispositions féministes" comme en témoignent par exemple la série TV "Call the Midwife" (2012-2013) sur une jeune sage-femme dans un couvent et le téléfilm "Sex, the City and Me" (2007) sur une femme qui se bat après avoir été licencié à cause de sa grossesse... 1970, tandis que se prépare la cérémonie de l'élection Miss Monde 1970 le Mouvement de Libération des Femmes s'organise et décide de manifester contre ce concours qu'il qualifie de "marché à bestiaux" entre autre. Mais les revendications de ces féministes n'est pas obligatoirement la voix de toutes les femmes...

Miss Revolution (2020) de Philippa Lowthorpe

Vu le sujet, le casting est logiquement très féminin avec un joli panel d'actrices de tout horizon. Celui qu'on peut considérer comme rôle principal est tenu par Keira Knightley qui était justement dans "Coeurs Ennemis" cité plus haut et qui retrouve de façon plus anecdotique Rebecca Frayn qui apparait en photo comme épouse de Liam Neeson dans "Love Actually" (2003) de Richard Curtis. Parmi ses camarades féministes citons Jessie Buckley remarquée dans (2019) de Tom Harper et vue dernièrement dans (2020) de Rupert Goold. Elles croisent donc plusieurs Miss dont Suki Waterhouse vue dans "The Bad batch" (2017) de Ana Lily Amirpour et "Assassination Nation" (2018) de Sam Levinson, Clara Rosager aperçue dans "Les enquêtes du Departement V : Dossier 64" (2018) de Christoffer Boe, Gugu Mbatha-Raw vue récemment dans "Brooklyn Affairs" (2019) de et avec Edward Norton, puis Emma Corrin encore peu connue mais récemment choisie pour incarner Lady Di dans la série TV "The Crown" (2020-...). À côté, deux couples emblématiques : le couple Bob Hope, incarné par Greg Kinnear plutôt discret des dernières années malgré "Operation Brothers" (2019) de Gideon Raff et (2019) de Ira Sachs, puis la ravissante Lesley Manville vue dans "Another Year" (2010) de Mike Leigh et "Phantom Thread" (2018) de Paul Thomas Anderson, et pour finir le couple Morley, créateur et responsable du comité Miss Monde interprété par Rhys Ifans rare au cinéma depuis quelques temps car surtout pris par sa série TV "Berlin Station" (2016-...) et malgré qu'il retrouve Keira Knightley après "Official Secrets" (2019) de Gavin Hood, son épouse elle est jouée par Keeley Hawes vue essentiellement à la télévision après pourtant les deux très bons "Joyeuses Funérailles" (2007) de Frank Oz et "Braquage à l'Anglaise" (2008) de Roger Donaldson... Loin de se considérer comme un docu-fiction, l'équipe "féministe" qui conduit le projet a préféré être plus intelligente que le groupuscule de 1970 dont il relate une partie de leur action. On est donc dans une comédie plutôt légère qui prête parfois à sourire mais qui n'oublie pourtant jamais son propos de fond qui s'avère plus malin qu'il n'y paraît au premier abord. La première partie voit en parallèle deux mises en place distinctes, l'organisation des différents groupes composant le Mouvement de Libération des Femmes (MLF), l'organisation de la cérémonie de Miss Monde tandis que plus le récit évolue plus les deux se rejoignent. Le scénario semble assez simple au premier bord mais plusieurs sous-intrigues s'imbriquent toujours avec le même soucis, montrer les différents courants et/ou problématiques de la question féminine.

Miss Revolution (2020) de Philippa Lowthorpe

Ainsi on a les "extrémistes" du MLF et les rêves d'ascension sociale des Miss en général en passant par les particularités des Miss non blanches avec le cas tout spécial de l'Afrique du Sud en passant par le personnage "historique" de Bob Hope et son penchant machiste sous ses airs humoristes. Il est surtout amusant de voir les différents courants fémnistes qui se percutent, qui se tirent presque dans le pied, autant sur le fond sur sur la forme. On pense alors à la cohérence de la première vague féministe qu'on a pu voir dans "Les Suffragettes" (2015) de Sarah Gavron, on peut aussi comparer avec d'autres femmes contemporaines à ce Miss Monde avec "I Want Sex Equality" (2011) de Nigel Cole, tandis qu'aujourd'hui tout se rapporte aux interprétations autour de #MeToo et consorts comme le récent (2020) de Jay Roach. D'ailleurs, la séquence entre Sally Alexander/Knightley et la nouvelle Miss Monde (première femme noire à gagner rappelons-le !) résume en cela parfaitement les désaccords et/ou incompréhension entre deux univers forcément incompatible. En effet, les "blanches occidentales" se permettent d'intervenir comme étendard dans une compétition où des "femmes orientales" espèrent une émancipation bien plus importantes grâce justement à ce concours de beauté, porte finalement comme une autre vers une vie meilleure. Néanmoins, on note qu'un personnage anti-Apartheid disparaît mystérieusement au bout de deux minutes (dommage, cela permettait d'étoffer cette thématique), que l'attentat anarchiste est occulté pour rester focaliser sur la question féministe (plutôt judicieux), tandis que le film aurait pu accentuer le côté fantaisie/humour alors que Rhys Ifans est sous-employé et que le personnage de Bob Hope est finalement très antipathique. Philippa Lowthorpe réalise une comédie plutôt bine menée, à la fois léger et sérieux, justement sans doute un peu trop équilibré pour créer une émulation mais ça reste divertissant et intelligent avec un casting aux petits oignons dont une Jessi Buckley pétillante et un Greg Kinnear plus vrai que nature en Bob Hope. Un bon moment.

Note :

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