Quai des orfèvres

Quai des orfèvresUne affiche peinte magnifique

L'affiche de ce film est purement magnifique, elle est le condensé graphique de tous les sujets du film. Une réussite comme il n'en existe guère aujourd'hui.

Mais concernant le film.

Henri Georges Clouzot revient au cinéma avec ce film après avoir été mis au banc de la profession à la libération suite au très contesté « Le corbeau ». Avec ce film, il conclura sa trilogie de polars criminels et sociaux débuté par « Le corbeau » et poursuivi par l’excellent « L’assassin habite au 21 ». Lors de sa projection au festival de Venise, il trouvera son cinéma trop bavard, trop dialogué et prendra un virage duquel naitront d’autres chefs d’œuvre : « Les diaboliques », « Le salaire de la peur », « L’enfer »,… Tous ces films qui font de Clouzot un des metteurs en scène majeur du cinéma français.

Dans ce film tiré d’un roman noir, Clouzot exploite le triangle amoureux criminel ; une des affiches du film le symbolise à merveille. Un homme dévoré par sa jalousie, sa femme séduisante ambitieuse jouant de ses atours avec les autres hommes même si elle aime son homme ; et une amie des deux secrètement amoureuse de l’homme mais bien décidé à ne pas perturber leur amour, un modèle d’abnégation qui l’amènera à se mettre en danger pour eux. Un triangle amoureux un peu original et loin des vaudevilles classiques de l’époque : mari, femme, amant. Le fond criminel du scénario se révèle par contre un prétexte à un traitement des rapports sociaux tout d’abord entre ce trio qui s’aime, a du mal à se le dire et se ment pour se protéger ; mais aussi avec tous les personnages secondaires creusés dont l’inspecteur mais nous reviendront sur ce dernier plus tard. Ce fond proche du cinéma noir américain offre une intrigue peu limpide, les articulations coincent aux entournures, et la résolution est évacuée. Sur ce plan, le film est bien décevant, « L’assassin habite au 21 » est plus percutant ; il ne s’agit pas donc du meilleur polar de Clouzot selon moi. Heureusement que l’arrivée tardive de Louis Jouvet (le fameux inspecteur) fait basculer le film dans une autre dimension et sort le film du plan-plan ronronnant. Bizarre et intriguant, petit à petit il cannibalise le film par son omniprésence autoritaire. On finit par avoir l’impression que la police est partout et est au courant de tout, une sorte de Big Brother d’une ère hors data. Enfin le traitement graphique jouant avec les lumières et les ombres apporte beaucoup au climat tendu du film. Humaniste mais souffrant de carences scénaristiques qui n’en font pas le meilleur Clouzot première période.

Sorti en 1947

Ma note: 13/20