[IFFMH 2020] “Fauna” de Nicolas Pereda

Par Boustoune

[Pushing the boundaries]

De quoi ça parle ?

De Luisa (Luisa Pardo), une apprentie actrice qui va passer quelques jours chez ses parents dans un coin perdu du Mexique, pour leur présenter son petit-ami, Paco (Francisco Barreiro), également acteur.
Le jeune homme se sent vite mal à l’aise en présence du père (José Rodríguez López) et du frère aîné (Lázaro Gabino Rodríguez) de sa dulcinée, types bourrus et peu accueillants. Et le malaise va s’amplifier quand ils vont lui demander de rejouer l’une des scènes de la série dans laquelle il a eu un petit rôle, « Narcos ».
Voilà, en gros, pour la première partie du film…

De quoi ça parle ?

D’un homme (Lázaro Gabino Rodríguez) qui débarque dans un coin perdu du Mexique pour y rencontrer un mystérieux contact, Rosendo Mendieta. Mais celui-ci semble avoir disparu. Cherchant à en savoir plus, l’homme fait la connaissance de Flora (Luisa Pardo), une sorte de femme fatale locale, puis de sa sœur jumelle Fauna (toujours Luisa Pardo), acoquinée avec un truand.
Ca, c’est pour la seconde partie du film, qui correspond à l’intrigue du livre que lit Gabino, le frère de Luisa…

Pourquoi on est divisé ?

Le dispositif en deux parties, avec une histoire dans l’histoire, est plutôt séduisant et sert, du moins sur le papier, l’intention du cinéaste, qui est de montrer à quel point la société mexicaine est contaminée par la fascination pour les gangsters, petits voyous ou narco-trafiquants, et par la violence. C’est un peu le cercle vicieux : pour incarner des gangsters, les acteurs comme Paco s’inspirent de types brutaux et patibulaires, et les gros durs comme Gabino sont fascinés par les séries violentes et les romans noirs… On adore également l’idée de la gémellité entre la violence psychologique – celle que subit Paco, d’une certaine façon – et la violence physique – celle que subie le protagoniste de la seconde histoire, victime du fiancé de Fauna, comme si ces deux violences indissociables constituaient la flore vénéneuse et la faune venimeuse du Mexique.
Le problème, c’est que ce lien est plus théorique que très concret à l’écran. Les deux parties sont assez abruptes, relativement courtes et elliptiques. Trop, peut-être – l’ensemble ne dure que 70 minutes. Comme elles semblent n’avoir ni début, ni fin, on peut difficilement s’y projeter et ressentir le climat angoissant que le film est censé véhiculer. Une séquence finale façon Lost Highway, bouclant la boucle aurait pu permettre de relier l’ensemble des éléments et donner à l’oeuvre une autre ampleur. Là, on reste un peu sur notre faim, et Fauna, malgré ses belles promesses, reste aussi aride que les “tierras calientes” du Mexique.

Le film séduit plus par son côté ludique et malicieux, par le plaisir du jeu, notamment du jeu d’acteur. Le cinéaste s’amuse avec sa thématique du double et du double inversé. Il offre à ses acteurs l’occasion de montrer toutes les facettes de leur talent en incarnant de multiples personnages. Si, dans la première partie, Francisco Barreiro incarne un type assez faible, dominé par sa belle-famille, dans la première partie, il joue un voyou inquiétant dans la seconde. Et Lázaro Gabino Rodríguez, après avoir incarné, chauve, un frangin pas commode dans la première moitié du film, joue, perruqué, un héros maltraité dans la deuxième. Luisa Pardo, elle, incarne pas moins de trois personnages, de l’actrice médiocre, confrontée à son manque de talent par sa propre mère, à la femme fatale. Ils semblent beaucoup s’amuser et leur plaisir est plutôt communicatif.

A l’arrivée, Fauna est un objet cinématographique atypique qui attisera peut-être la curiosité des cinéphiles les plus pointus, mais qui laissera sans doute sur le bord de la route le grand public. Il trouve en tout cas toute sa place dans un festival comme l’IFFMH, qui défend les propositions de 7ème Art avant-gardistes.

Autres avis sur le film

“There is a chilly gloom hanging over this movie, not unlike the films of Michelangelo Antonioni or Robert Bresson, chiseled with a lapidary precision but also, ultimately, devoid of a soul.”
(Ryan Lattanzio, Indiewire)

”a playful and enigmatic story within a story. Can’t say that I pieced it all together-not sure these pieces even belong to the same puzzle-but I couldn’t take my eyes off of it.”
(@evanmstewart sur Twitter)

Crédits photos : copyright Nicola Pereda